Pour Pierre Hadot, la notion d'exercice spirituel apparaît essentielle à l'accomplissement d'une pensée philosophique. La formation semble au centre de tout processus intellectuel. Ce principe ne s'applique d'ailleurs pas seulement à la démarche philosophique puisqu'il reprend en conclusion du chapitre « exercices spirituels » cette citation de Goethe à propos de la lecture :
"Les gens ne savent pas que cela coûte du temps et de l'effort pour apprendre à lire. Il m'a fallu quatre-vingts ans pour cela et je ne suis pas même capable de dire si j'ai réussi."
Savoir lire dépasse donc la simple capacité à savoir déchiffrer les signes que sont les lettres et comprend une étape supérieure, une formation de l'esprit qui ne finit jamais. Cependant comme pour la philosophie, cette formation continue de l'esprit ne se limite pas à un domaine restreint de l'existence. Il ne s'agit pas ici seulement de métaphysique mais bien d'une formation qui se fait par l'exercice et qui trouve une expression dans la vie quotidienne (...)
[...] Exercices spirituels Il s'agit en quelque sorte d'une gymnastique spirituelle dont la pratique s'acquiert progressivement. Dans la mesure même où elle est pratique d'exercices philosophiques, la vie philosophique change la vie quotidienne: elle est une conversion, un changement totale de vision qui entraine un changement de style de vie. Cependant, c'est une conversion qui doit sans cesse être reconquise car il est difficile de se maintenir continuellement au sommet. C'est pour cette raison que l'aspect quotidien de ces exercices est central comme pour un sportif de haut niveau. [...]
[...] Cependant , selon Pierre Hadot, les Exercitia spiritualia ne sont qu'une version chrétienne d'une tradition gréco-romaine. La notion et le terme d'exercitium spirituale sont attestés, bien avant Ignace de Loyola dans l'ancien christianisme latin et correspondent à l'askesis du christianisme grec. Cependant cette askesis n'est pas à prendre au sens de ascétisme mais au sens de pratique d'exercices spirituels qui existe déjà dans la philosophie de l'Antiquité. Pierre Hadot précise que son étude n'a pas seulement pour objectif de rappeler l'existence d'exercices spirituels dans l'Antiquité gréco-latine, mais il veut aussi démontrer la portée et l'importance de ce phénomène et préciser les conséquences qui en découlent pour la compréhension de la pensée antique et de la philosophie elle-même. [...]
[...] Ce travail sur soi se définit par des exercices, c'est ce que les stoïciens appellent la thérapeutique philosophique Les exercices spirituels agissent quotidiennement et de plus en plus efficacement comme le ferait un bon traitement contre une maladie, ou tout au moins contre certains de ses symptômes. Les stoïciens dressent des listes des principaux objectifs de ces exercices qui peuvent avoir pour fonction de travailler l'audition (akroasis) ou la maîtrise de soi (enkrateia) par exemple. L'attention (prosoché) est l'attitude spirituelle fondamentale du stoïcien. C'est une vigilance et un présence d'esprit continuelles, une conscience de soi toujours éveillée, une tension constante de l'esprit. Grâce à elle, le philosophe sait et veut pleinement ce qu'il fait à chaque instant. [...]
[...] La figure mythique de Socrate c'est la figure même du philosophe qui s'exerce à la sagesse. Marc- Aurèle est un homme de l'Antiquité qui pratiquait ces exercices avec une méthode rigoureuse. Michelet est un homme moderne mais qui s'exerce lui aussi, à la suite de Marc-Aurèle pour réaliser en lui- même l'harmonisation L'étude sur le phénomène général de conversion permet de mieux comprendre comment la philosophie est essentiellement conversion et donc exercice vécu. Les autres études concernant l'apophatisme et l'expérience mystique, concernent les problèmes du discours philosophique confronté aux limites du langage, précisément parce que la philosophie est expérience et transcende toute expression. [...]
[...] Une fois qu'on a compris l'importance de la pratique d'exercices spirituels dans la philosophie de l'Antiquité, il faut apprendre à relire les textes fondateurs en tenant compte de cet élément capital. Et c'est là tout l'enjeu de cette étude de Pierre Hadot : montrer que pour comprendre la vraie philosophie, il faut voir que cette notion d'exercice spirituel est constitutive de la philosophie antique qui pour lui est la seule vraie philosophie. CONCLUSION La vraie philosophie est donc, dans l'Antiquité, exercice spirituel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture