Bruno Tertrais débute son essai sur une idée unanimement partagée : l'administration Bush est en rupture avec les précédentes ; elle a une conception westphalienne du monde, marquée par la compétition des Etats souverains au sein du système international.
Ceci explique les préoccupations vis-à-vis de la prolifération des armes de destruction massive, le souci de se dégager des engagements internationaux, héritages de la logique multilatéraliste, le souci d'assurer la sécurité énergétique des Etats-Unis dans un contexte de croissance continue de la consommation.
[...] Par ailleurs, les E-U estiment devoir répandre la démocratie non seulement pour se protéger, mais aussi parce qu'il s'agirait d'une mission consubstantielle à la nature du projet américain. Mais contrairement à une tradition américaine ancienne, il s'agit désormais de remodelage par la force et de renversement des régimes autoritaires par l'action militaire. Les Etats voyous sont les premiers concernés : Corée du Nord, Irak, Iran, Libye, Syrie. Ces cinq Etats se situent au croisement de la tyrannie, de la technologie (développement d'armes de destruction massive) et du terrorisme, selon une formule en vogue à Washington. [...]
[...] Différentes orientations motivent l'actuelle stratégie. Le combat engagé par les E-U consiste d'abord en une opération de réduction de la menace : son objectif est de défaire les réseaux terroristes internationaux et de combattre les Etats qui les hébergent sciemment, si nécessaire en procédant à un changement de régime. Ce combat cible également les Etats développant des armes de destruction massive et ceux susceptibles de transférer de tels moyens à des groupes terroristes. Se profile également l'idée que l'Amérique devait entrer en guerre pour être à nouveau respectée, notamment par le monde musulman, l'attaque de 2001 ayant pour origine une image de faiblesse des E-U chez leurs ennemis potentiels. [...]
[...] La thèse de la contagion démocratique relève pour l'instant de l'incantation. De plus, l'aventure irakienne restera sans doute unique, car elle n'a été possible qu'en raison de la place particulière de ce pays dans la mythologie politique américaine. Le reste du monde en développement (Afrique, Amérique latine, Asie du Sud- Est) présente plusieurs caractéristiques commune du point de vue américain : il offre de nombreux exemples d'Etats échoués ou effondrés qui peuvent devenir des foyers de terrorisme ou des refuges pour celui-ci ; il est une terre de mission privilégiée pour les mouvements évangélistes américains ; et il comprend d'abondantes réserves d'hydrocarbures. [...]
[...] Evidemment, la fin de l'essai peut sembler pessimiste en ce qu'elle montre que la guerre contre le terrorisme n'a pas d'issue à court terme et qu'elle risque de créer des tensions durables au sein du système international. L'auteur ne fait certes pas de réelle contre proposition, mais plutôt que de proposer une échappatoire incertaine, se borne à souligner la multiplicité des scénarii que pourrait connaître la guerre menée par les Etats-Unis. Si le lecteur reste dans l'expectative, cela témoigne d'un essai bien mené ainsi que d'une honnêteté intellectuelle certaine. [...]
[...] La dynamique actuelle donne corps à la thèse d'un affrontement des civilisations, tel que prophétisé par Lewis et Huntington. En outre, la mise en œuvre de la stratégie américaine conduit à favoriser, au lieu de les réduire, le développement des menaces auxquelles elle s'adresse : le terrorisme et la prolifération. D'ores et déjà, les opérations d'Afghanistan et d'Irak ont galvanisé certains groupes extrémistes, tout comme elles créent des conditions favorables au retour rapide du terrorisme à la faveur de politiques de nation (re)building largement insuffisantes. [...]
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