Dans ce panorama du monde du travail sous le second Empire, Zola consacre un de ses plus célèbres romans, Germinal, au monde de la mine et à la grève menée par les mineurs pour accéder à des conditions de travail et de salaire plus décentes.
Fidèle aux principes naturalistes et s'inscrivant dans le projet d'une « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire » en dénonçant la condition misérable des ouvriers, dans un des premiers chapitres du roman, Zola dresse un tableau précis qui s'avère être un véritable documentaire sur les conditions de travail des mineurs.
(...) Pour écrire Germinal, Zola s'est rendu dans le Nord, a visité des mines, côtoyé des mineurs. Ce texte épouse le style et la langue du peuple et porte la trace de son enquête minutieuse par le souci du détail suggestif et le choix du lexique qui confèrent toute sa précision à ce documentaire.
Ainsi, l'auteur satisfait au principe d'objectivité presque scientifique du naturalisme en utilisant le vocabulaire technique et spécialisé de la mine avec :
- les outils. Ce sont la "lampe" (lignes 3 et 17), les "mèches" (ligne 17), les "chapeaux de toile métallique" (ligne 18), les "rivelaines" (ligne 25).
- les emplois des mineurs. Maheu est "haveur" (ligne 11), c'est-à-dire qu'il creuse une galerie dans une mine.
- la configuration du puits et ses composantes. Il est ainsi question de "roche" (lignes 5 et 12) dont la répétition, comme celle de la lampe, ne fait que souligner davantage l'atmosphère de la mine, de "poussières volantes du charbon" (ligne 17), de "taille" (ligne 19), de la "suie" (ligne 20), de "blocs de houille" (ligne 23) et d'"un reflet de cristal" (ligne 24).
Le tableau ainsi suggéré permet aisément au lecteur de s'imaginer la position des mineurs : "la lampe... près de son tête" (ligne 3), Maheu doit "tordre son cou et renverser sa nuque" (ligne 8) afin d'éviter les gouttes de sueurs dont l'effet est souligné par la gradation ascendante (...)
[...] Tout y est dénaturé, réduit ou anéanti. Un extrait à mi-chemin entre mythologie et épopée Les références mythologiques - une allusion à Prométhée (attaché par Héphaïstos, sur ordre de Zeus, sur la plus haute cime du Caucase où un vautour lui dévorait le foie, sans cesse renaissant) avec la métaphore hyperbolique achevait de lui brûler le sang –ligne 4). - un rappel du mythe des Danaïdes (ces cinquante filles du roi de Lybie, Danaos, contraintes d'épouser les cinquante fils de leur oncle Ægyptos, égorgèrent leurs époux durant leur nuit de noces, sur l'ordre de leur père. [...]
[...] - la référence aux vestales (prêtresses consacrées au culte de la déesse vierge Vesta et qui devaient également rester vierges. La vestale qui violait son vœu de chasteté était condamnée à mort. On la plaçait sur une litière fermée et on la conduisait jusqu'à un endroit appelé campus sceleratus, dans un petit caveau creusé préalablement. Enfin, on fermait l'entrée du caveau, on la recouvrait de terre et on abandonnait la malheureuse au supplice de la faim) lorsque Zola évoque les mineurs qui sont pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet (lignes 12-13). [...]
[...] On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et 20 oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources. [...]
[...] Un appel implicite au respect des mineurs Il repose sur la dénonciation de la machinisation de l'homme. Paradoxalement, alors que l'homme est déshumanisé, les objets semblent être animés d'une vie inquiétante. Très rapidement dans cet extrait, Maheu et les mineurs ne sont plus les sujets des verbes d'action et l'expression Il avait beau (ligne témoigne même de leur impuissance. On note alors que : - la lampe de Maheu prend son relais comme sujet des verbes d'action (et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang, lignes 3-4). [...]
[...] - enfin, les outils semblent travailler d'eux-mêmes, comme autonomes : les rivelaines tapaient à grands coups sourds (ligne 25). Ce ne sont plus les hommes qui tapent : la métonymie prend alors valeur de dénonciation. Dans la mine, les mineurs sont devenus des machines et les objets sont plus humains qu'eux. Conclusion Comme souvent quand il veut susciter l'indignation, Zola dépasse son statut de chef de file du naturalisme et recourt à des moyens plus artistiques pour émouvoir et sensibiliser son lecteur. [...]
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