Dissertation sur une citation de Gérard Genette extraite de l'ouvrage Figures I (1966) L'utopie littéraire.
[...] SUJET Le temps des œuvres n'est pas le temps défini de l'écriture, mais le temps indéfini de la lecture et de la mémoire. Le sens des livres est devant eux et non derrière, il est en nous : un livre n'est pas un sens tout fait, une révélation que nous avons à subir, c'est une réserve de formes qui attendent leur sens, c'est l'imminence d'une révélation qui ne se produit et que chacun doit produire pour lui-même. Gérard GENETTE, Figures I (1966) L'utopie littéraire Citation tirée d'Enquêtes de Borgès INTRODUCTION Il n'y a d'art que pour et par autrui C'est ainsi que Jean-Paul Sartre semble définir l'œuvre littéraire : grâce à cette formule, l'auteur souligne en effet l'une des nombreuses particularités de l'œuvre littéraire, qui ne saurait alors exister indépendamment de toute conscience. [...]
[...] Il peut parfois l'amener à commettre une erreur sur son interprétation : c'est ce qui se produit au cours de la nouvelle de Balzac, Le Réquisitionnaire où Madame de Dey reçoit une lettre de son fils lui annonçant sa volonté de s'échapper de la prison et donc de rejoindre la ville. Le narrateur nous présente alors un homme marchant vers la ville que le lecteur assimile immédiatement au fils de Madame de Dey, Auguste, par la technique de l'introït énigmatique. Or, il ne s'agit point de cet homme, le lecteur ayant été dupé par l'auteur. L'auteur reste donc seul maître du sens : le lecteur paraît constamment amené à reformuler le sens de l'œuvre. [...]
[...] C'est ainsi ce que les théoriciens de l'Ecole de Constance, auxquels on peut ajouter le nom de Jauss, se sont employés à souligner : ils ont en effet mis l'accent sur l'idée que l'œuvre littéraire englobe à la fois le texte comme structure donnée et la réception ou perception par son lecteur Le texte est alors porteur d'un sens qui ne demande qu'à être dévoilé par le lecteur : ce sens ne peut être actualisé que par l'intermédiaire du lecteur sans qui le sens demeure contraint à prendre l'allure d'« une révélation qui ne se produit pas selon Borgès. Comme l'indique alors Gérard Genette, cette révélation est prête à surgir à tout instant, ce que l'emploi du nom imminence souligne également. Mais pour la faire surgir, le texte ne peut se passer de l'action du lecteur, ainsi amené à tisser un lien très étroit avec l'écrit en face duquel il se trouve confronté. [...]
[...] Il devra également déchiffrer le mot en fonction de sa situation circonstancielle ou contextuelle : le mot rose présent à la fois chez Ronsard et chez Aragon revêt ainsi des significations diverses, que le lecteur se doit d'identifier. Quand chez Ronsard dans les Amours, le mot rose symbolise Vénus et par là-même se retrouve associé à l'amour, il figure chez Aragon, dans son poème La Rose et le Réséda, celui qui croit au ciel par opposition à celui qui n'y croit pas personnage représenté par le Réséda. [...]
[...] Or, ce qui fait la particularité du texte, c'est qu'il est un acte écrit, coupé de son contexte initial : le temps des œuvres n'est pas le temps défini de l'écriture, mais le temps indéfini de la lecture et de la mémoire , affirme également Gérard Genette. Si l'énoncé écrit est donc coupé de sa situation d'énonciation, le lecteur va toutefois être capable d'inférer de l'énoncé des sélections contextuelles et circonstancielles qui vont lui permettre de construire le sens. Grâce à ses diverses facultés, le lecteur pourra inscrire le sens dans le contexte général de l'œuvre, ce que souligne particulièrement Umberto Eco en faisant référence à de nombreux exemples : l'œuvre, qui peut faire appel à de multiples interprétations, joue ainsi sur la diversité des significations des mots. [...]
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