L.-F. Céline est probablement un des romanciers français les plus novateurs de la première moitié du XXème siècle ; si ses pamphlets violemment antisémites sont condamnables, son oeuvre romanesque est remarquable et notamment son premier roman Voyage au bout de la nuit, couronné par le prix Renaudot en 1932. Le héros-narrateur de ce roman, F Bardamu, connaît sensiblement le même destin que son auteur, son "voyage" le conduit successivement sur le front lors de la guerre 14-18, puis en Afrique, aux Etats-Unis avant de le ramener dans la banlieue parisienne. Dans cet extrait, Bardamu arrive à Détroit pour se faire embaucher dans l'usine Ford. L'auteur évoque l'univers infernal de l'usine, la déshumanisation des ouvriers et les réactions de Bardamu (...)
[...] Et le cauchemar est pire à l'intérieur de l'usine qu'à l'extérieur parce que toutes les sensations horribles (visuelles, auditives et tactiles) sont cumulées ; il y a donc une gradation dans le caractère cauchemardesque de l'usine. Plus précisément ce sont les machines qui, par leur bruit et leur vibration, rendent cet univers infernal. Céline en suggère la quantité dans la métaphore des "torrents d'appareils" mais aussi la puissance qu'il précise dans "l'entêtement des mécaniques à tourner, rouler, gémir, toujours prêtes à casser et ne cassant jamais" 6-7-8). [...]
[...] Commentaire Composé du texte "Ford" de L.F Céline [tiré de Voyage au bout de la nuit] L. F. Céline est probablement un des romanciers français les plus novateurs de la première moitié du XXème siècle ; si ses pamphlets violemment antisémites sont condamnables, son œuvre romanesque est remarquable et notamment son premier roman Voyage au bout de la nuit, couronné par le prix Renaudot en 1932. Le héros-narrateur de ce roman, F Bardamu, connaît sensiblement le même destin que son auteur, son "voyage" le conduit successivement sur le front lors de la guerre 14-18, puis en Afrique, aux Etats-Unis avant de le ramener dans la banlieue parisienne. [...]
[...] L'aliénation de l'être humain devient totale. Dans ces conditions le travail est forcément aliénant et les ouvriers ont peur de ce lieu de travail devenu lieu de souffrance et de torture, c'est pourquoi ils y pénètrent en "files traînardes", en groupes hésitants" 22-23), c'est pourquoi aussi lorsqu'ils sont répartis autour de différentes machines ils ont le sentiment de "perdre leurs compagnons" parce que leur éparpillement les rend plus vulnérables, brise la solidarité, la force (relative) du groupe. De plus, dans leur travail ils ne se servent pas de la machine, ils sont à son service : c'est elle qui est au centre, les hommes sont "autour" c'est elle qui est personnifiée et indestructible, eux sont déshumanisés et infiniment renouvelables. [...]
[...] La description est ensuite auditive et rend l'usine véritablement inhumaine car le bruit des machines qui envahit l'espace tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des bâtiments est effroyable. Céline le décrit d'abord à l'extérieur et de façon très insistante dans une très longue phrase peu ponctuée et encore alourdie par la multiplication des adjectifs "lourd et multiple et sourd . dur" ; tous ces adjectifs, péjoratifs, insistent sur la quantité et le caractère désagréable des bruits (rendu aussi par l'allitération en et ils sont d'autant plus pénibles qu'ils envahissent tout l'espace d'après l'hyperbole "tout autour et au-dessus jusqu'au ciel" : on ne peut donc pas y échapper. [...]
[...] De même face aux hommes qui attendent, Bardamu ressent une répulsion compréhensible parce que ces hommes sentent mauvais mais de façon assez surprenante il se dissocie d'eux "on évitait leur bouche à cause que le dedans des pauvres sent déjà la mort" (120-21) alors que lui même est aussi pauvre. Plus surprenant encore, au lieu de compatir au sort du Yougoslave, il le tourne en dérision dans l'expression "ce brebis" d'autant plus cocasse qu'il associe un homme et un déterminant masculin à l'animal femelle, dérision un peu cruelle . [...]
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