Cette réplique met en lumière plusieurs critiques formulées à propos de la littérature de fiction, ainsi que certains enjeux liés à celle-ci. Tout l'intérêt de cette affirmation semble résider dans l'opposition entre la remise en cause de l'existence même des récits de fiction ("S'il nous faut des fables") et le fait de leur attribuer la mission de représenter la "vérité".
Le propre de la fiction n'est-il pas au contraire d'être un récit imaginaire ? Mais peut-on pour autant affirmer que les fictions relèvent uniquement de l'imagination ? (...)
[...] Ainsi, loin de constituer une critique de la fiction, Voltaire nous livre ici, à travers les paroles du Huron, une célébration du récit de fiction, en mettant en lumière l'infinie liberté que permet cette forme littéraire. Ouvrant, à la fois à l'auteur et à ses lecteurs, une porte sur un univers qui oscille entre l'imaginaire et le réel, la fiction s'avère le seul genre littéraire capable de faire de ce paradoxe une base solide, et de construire une vérité à part, en nous re-présentant la réalité, c'est-à- dire en changeant notre point de vue sur celle-ci. [...]
[...] La définition même de la fiction en fait un récit principalement imaginaire, donc éloigné de la réalité, de ce que lecteurs et auteurs vivent au quotidien. Certes, tout lecteur n'est pas forcément à même d'entrer dans le monde de la fiction dès les premières lignes du récit, et toutes les œuvres de fiction n'ont pas la même capacité à nous plonger dans ce monde à part, cependant une fois que l'on a pénétré dans l'univers fictionnel, il est souvent difficile d'en sortir. [...]
[...] Être bouleversé, mis en difficulté, fuir le quotidien pour mieux le retrouver ensuite, tel semble être, pour ma part, ce que l'on cherche en se plongeant dans un récit de fiction. En s'y plongeant car néanmoins, ouvrir livre de fiction n'est pas sans danger, on ne sait jamais où l'on va arriver, ni comment on en reviendra . [...]
[...] Cependant, n'aborder la fiction que comme une représentation déformante de la réalité renvoie à une conception de la fiction narrative comme un leurre. Certes, si la vérité est prise telle qu'on la définit couramment, dans le sens d'une correspondance entre les faits et les mots, alors la fiction ne peut être que l'emblème du mensonge. Le terme fable a d'ailleurs progressivement acquis une connotation plutôt péjorative : raconter des fables à quelqu'un est mal vu, et les critiques dirigées à l'encontre des récits de fiction pourraient tenir à une certaine peur d'être trompé, de se sentir abusé par la fiction, voir même une peur au sens strict, provoquée par le récit en lui-même. [...]
[...] A la lumière de ce propos, vous vous demanderez ce que vous attendez de la fiction narrative. L'imagination et l'aspect fantaisiste qui font partie intégrante de la fiction narrative en ont longtemps fait un genre littéraire à part, accusé de futilité. A présent, le roman, et plus généralement les récits de fiction, occupent une place privilégiée en littérature, et leur succès est incontesté. Dans L'Ingénu, de Voltaire, le Huron déclare au vieillard Gordon : Ah ! S'il nous faut des fables, que ces fables soient du moins l'emblème de la vérité ! [...]
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