Dérivée du latin "fingere"qui signifie "feindre", la fiction désigne toute forme de création de l'imagination, et s'oppose par conséquent à la réalité. Mais si la fiction mérite totalement sa place dans l'argumentation, nous pouvons alors nous interroger sur son véritable rôle. En quoi la fiction peut-elle être utile et efficace afin de convaincre ou d'instruire le lecteur ?
[...] La fiction est donc efficace parce qu'elle permet à la fois de comparer deux modèles et donc d'apporter une critique, mais aussi car elle laisse la possibilité de mettre en place un regard extérieur, également critique. De plus, la fiction rend possible de nombreux jeux sur les sentiments, l'ironie ou la forme qu'elle prend, toujours dans le but de convaincre. Enfin, la fiction enrichit l'argumentation et illustre les thèses défendues par les auteurs, souvent en associant idées, attitude et personnage. Ainsi, si l'emploi de la fiction n'est pas indispensable à l'argumentation, son usage semble néanmoins très utile, de par son efficacité pour convaincre le lecteur, voire même lui inculquer des leçons, morales ou vérités. [...]
[...] De plus, l'auteur peut attribuer à ses personnages fictifs, un point de vue, des pensées et des paroles, parfois ses propres convictions. Ainsi l'Ingénu de Voltaire, déiste tout comme l'auteur, pense que Dieu a créé le monde et ses lois mais qu'il n'intervient plus. Ensuite, la fiction est efficace parce qu'elle présente et permet une variété de formes et de procédés. En effet, l'apologue est une forme de fiction très souvent utilisée dans l'argumentation. Il est rare que l'apologue ne présente pas de fonction didactique, ayant pour objectif le développement de l'esprit critique du lecteur. [...]
[...] De plus, le recours à l'invention de personnages fictifs, est doublement utile. Tout d'abord, les personnages servent de masques auxquels l'auteur attribue des idées, et qu'il fait débattre, lors d'un dialogue d'idées par exemple. Ensuite, un personnage inventé peut être le représentant emblématique d'une idée ou d'un idéal de vie. Par exemple, le lieu commun du sage vieillard, est employé par Diderot dans le chapitre II du Supplément au Voyage de Bougainville. On peut également évoquer Adario, l'indien qui affronte verbalement Lahontan, dans Dialogues avec un sauvage, car, étant proche de la Nature et préservé, il incarne en effet le bon sens et la raison naturels à l'homme. [...]
[...] Dans une lettre fictive, d'un bénéficier à Le Tellier, confesseur du Louis XIV, Voltaire dresse un portrait satirique du personnage, en exagérant les traits de sa personnalité. Voltaire argumente ici par le rire, le lecteur se rendant compte du ridicule du point de vue du personnage. Enfin, la fiction est efficace parce qu'elle illustre et enrichit une argumentation. En effet, l'auteur, grâce à la fiction, ne présente pas à son lecteur, une démonstration sèche et abrupte. Par la construction d'un monde et d'une culture, son imagination est mise au service de réflexions sérieuses sur la société. [...]
[...] Ainsi, Montesquieu publia anonymement, en 1721, une fiction orientale, Les Lettres persanes. La censure étant très présente au XVIIIe siècle et tout particulièrement après la mort de Louis XIV en 1715, Montesquieu a mis en parallèle des événements survenus réellement en France, et fictivement en Perse. De plus, la fiction permet l'établissement d'une comparaison entre deux modèles, pour une meilleure critique de la société de l'auteur. Par exemple, dans Les Lettres persanes, Montesquieu évoque la chrétienté par la fiction musulmane et compare ainsi les deux religions. [...]
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