Étude comparative de la figure mythique de Dom Juan à travers trois pièces : « L'Abuseur de Séville » de Molina, « Dom Juan » de Molière et « Dom Juan » de Lenau.
[...] de Catalinon, Don Juan rétorque Tu peux le dire La devise de notre héros pourrait bien être Je suis l'occasion ou la fin justifie les moyens Il aime ensuite à semer le trouble dans l'esprit de ses interlocuteurs et l'on retrouve un Sganarelle dépité qui loue indirectement son maître, capable de [tourner] les choses d'une manière qu'il semble qu'[il ait] raison 2). Qu'est- ce donc si ce n'est la meilleure définition de la per-version au sens étymologique ? Enfin, le diabolisme semble lui être intrinsèque, puisque le Don Juan de Lenau professe un dualisme corps - âme. Degré le plus achevé de cette dimension donjuanesque, l'aspect luciférien est aussi le plus saillant surtout chez Lenau. Déjà, face à un Sganarelle moraliste notre séducteur demande cyniquement s'il n'a pas raison d'en user de la sorte (Dom Juan Molière 2). [...]
[...] Avec le Romantisme, ce versant révolté s'accentuera pour faire de cet anti-héros l'incarnation de Lucifer, l'ange déchu. Révolte métaphysique, contre Dieu, contre la loi humaine donc pour une autre loi celle du corps (ne dit- on pas avoir le diable au corps et de la luxure, un péché capital mais le seul dieu de Don Juan, le dieu des plaisirs peut-être Asmodée. Séducteur mythique, il paraît évident que Don Juan a un rapport particulier au langage, à la parole. Le premier élément marquant réside dans le fait que parole et puissance sont indissociables : il s'agit de parler, d'empêcher ou d'obliger à parler. [...]
[...] Chez le premier Don Juan, j'ai tout mon temps pourrait être le sous- titre de la pièce tant il est obsédant dans la bouche et l'esprit du héros. En effet, pour Molina, la miséricorde divine est infinie, mais sous certaines conditions, et Don Juan sera effectivement puni par péché de présomption, celui d'avoir toujours remis à plus tard le temps du repentir. Surtout, une des relations caractéristiques de cette relation du personnage au temps réside dans le fait que notre séducteur impénitent ne vit que dans l'instant : la passion, ce n'est jamais que la dernière ! [...]
[...] Par ailleurs notre héros recourt fréquemment à l'usurpation d'identité pour parvenir à ses fins : il se fait passer pour le Duc Octave alors que débute la pièce de Molina, ou pour Antonio chez Lenau. Qu'est-ce à dire sinon que le Dom Juan hypocrite de Molière était déjà en germe dans cette succession de masques séducteurs ? Dans tous les cas, pour Tisbéa, cela ne fait aucun doute, les hommes mentent tous ce sont des enjôleurs à l'image de Don Juan pour qui Dieu et la mort [ ] ne sont que des mots. [...]
[...] La perversion, nous l'avons vu, s'apparente à la manipulation mentale que Don Juan fait subir à Sganarelle : la séduction ne serait-elle pas le pouvoir de faire penser son propre désir par quelqu'un d'autre, ou du moins l'opposé de ses opinions? En définitive, séduire consiste à détourner et à enjôler la vérité, mais il s'agit de celle des autres. Le rapport de Don Juan au langage fait que notre anti-héros mythique ne voit rien de signifiant dans le mot, si ce n'est un moyen de circonvenir : là encore, il se révèle démoniaque puisqu'il fait croire à autrui qu'il est la passerelle entre le mot et la chose, un pratiquant d'une magie plus que noire. [...]
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