Comment 'penser l'État' autrement ? Pour Pierre Rosanvallon, l'État s'est incarné successivement dans ce qu'il nomme des 'figures de base' dont l'après guerre (1939-1945) a consacré la coexistence. Au nombre de quatre, celles-ci constituent les modalités spécifiques du rapport État-société : le Léviathan démocratique ; l'instituteur du social ; la providence ; le régulateur de l'économie.
A partir de cette grille de lecture l'auteur tente de dépasser l'opposition réductrice entre deux conceptions, l'une maximaliste, l'autre malthusienne, de l'intervention de l'État dans la société. D'après lui, il faut éviter : de réduire les interventions de l'État au seul poids des dépenses publiques et au nombre de ses fonctionnaires ; de lier l'histoire de l'État moderne uniquement à l'avènement de l'individu ou au développement du capitalisme sans intégrer les spécificités nationales ; d'oublier que l'État comme 'forme efficace de représentation sociale' est également uni à l'histoire des idées ; de découper l'action de l'État en secteurs d'intervention économique, social et juridique.
[...] Ainsi l'épidémie de Sida fait-elle naître des tentations de contrôles sanitaires obligatoires sous la forme de dépistages contraints. L'État-providence gère le social et pénètre toujours plus le champ de la vie de l'individu. Ce face à face État-individu était limité sous l'Ancien Régime par l'existence de corps intermédiaires. La Révolution française en s'attaquant aux structures corporatistes de la société a fait disparaître ces corps. L'État s'est nourri de ce vide social en "produisant la nation". L'État a également suscité des tentatives de recomposition de la société à travers sociétés savantes, académies, corps professionnels et organismes paritaires. [...]
[...] Seule reste en suspens la question de l'obligation de s'assurer. D'ailleurs, le premier projet de loi sur les retraites à caractère obligatoire, quoique présenté en 1901, attendit 1910 pour être voté. A ce moment-là, le débat se déplaça du droit social à l'obligation d'assurance. En 1928, la loi sur les assurances sociales fut votée sans difficulté dix ans après le choc de la première guerre mondiale au terme de laquelle la solidarité envers les veuves et les blessés s'imposait d'elle même. [...]
[...] Si la décentralisation s'est limitée à la substitution de notables locaux élus à de hauts fonctionnaires, l'enjeu européen pose à terme la question de la souveraineté et de la spécificité françaises. Jusqu'en 1914, la C.G.T. est globalement hostile aux lois sociales d'inspiration radicale, en matière de retraite notamment. Elle craint une "intégration" des travailleurs dans l'État. Les premiers plans de l'État- providence moderne s'édifient ainsi à l'écart du mouvement syndical. Les bureaux de bienfaisance constituent pendant tout le XIXe siècle la pièce maîtresse de l'assistance sociale. [...]
[...] Boisguilbert et la genèse de l'État moderne, dans Esprit, janvier 1982. Les trois crises de l'État-providence, dans C.F.D.T. Aujourd'hui, septembre 1982. Pour une histoire conceptuelle du politique, dans Revue de synthèse, L'introduction du keynésianisme en France, dans Revue française d'économie, automne Histoire des idées keynésiennes en France, dans Revue française d'économie, vol automne Histoire et politique en France à l'époque de la Restauration dans les Actes du neuvième centenaire de l'Université de Bologne, Bologne Le consensus archaïque, dans Le Nouvel Observateur du 22 janvier 1988. [...]
[...] L'État devient donc à son tour "producteur de sociabilité" et agent d'unification d'"une société d'individus atomisés". Pour produire la nation, les révolutionnaires ont remodelé le territoire en départements, selon un mode d'organisation territoriale, abstraite et géométrique, où le lien social n'a de sens que dans l'appartenance à ce "grand tout qu'est la nation". L'unification administrative se fait de concert avec celle de la langue, des poids et des mesures, dans une même volonté de réduire les particularismes et l'esprit de province. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture