Montesquieu est surtout connu pour son roman épistolaire Les Lettres persanes, mais il est aussi l'auteur d'un important essai intitulé L'Esprit des lois, 1748, qu'il a mis vingt ans à rédiger.
Dans cet extrait, l'auteur dénonce l'esclavage en utilisant un procédé original : il feint de défendre l'esclavage en utilisant les arguments des esclavagistes.
La dimension polémique de ce texte est évidente si on parvient à déceler l'ironie.
Nous verrons que l'auteur parvient à faire passer son message en ridiculisant les arguments de la thèse esclavagiste, puisque ce texte est au service de la dénonciation d'une pratique inacceptable.
(...) la variété des arguments : plusieurs types d'arguments sont utilisés, ceux qui reposent sur une relation logique cause/conséquence, comme le premier et le troisième, ou l'inverse, comme le 2, le 7 ou le 8. Mais c'est souvent une logique de l'absurde : le syllogisme de l'argument 1 implique qu'ils finiront par exterminer les peuples de tous les continents, y compris eux-mêmes, ce qui est absurde. Les arguments 4 et 7 sont des sophismes, et donc des préjugés. Les arguments 5 et 6 sont totalement illogiques, puisque c'est la barbarie qui est à l'origine de cette cruauté, et que si c'était la couleur de peau qui faisait "l'essence de l'humanité", il n'y aurait pas de noirs. L'argument 6, en établissant une relation entre la couleur des cheveux et celle de la peau, qui n'est pas rationnelle, puisqu'un noir aussi bien qu'un blanc et même qu'un égyptien peuvent avoir la même couleur de cheveux, met en cause la xénophobie. Les arguments 4 et 5 forment une contradiction, puisque "l'âme" est "l'essence de l'humanité", et non la peau. Le second ressemble à une maxime honteuse : la rentabilité oblige à l'esclavage, mais alors pourquoi seuls les noirs sont-ils esclaves ? Les "nations policées", c'est-à-dire les nations européennes, sont avides d'or, "qui... est d'une si grande conséquence." (...)
[...] Charles-Louis de Secondat, Baron de la Brède et de Montesquieu (1689-1755), De l'Esprit des lois De l'esclavage des nègres extrait. Si j'avais à soutenir le droit que nous avons de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique pour s'en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par les esclaves. [...]
[...] la cruauté et l'indifférence : L'auteur insiste particulièrement sur cette cruauté et cette indifférence, cette inhumanité pour susciter la compassion du lecteur. Ainsi un important champ lexical de l'indifférence est employé, impossible de les plaindre privent les noirs . d'une façon plus marquée c'est à dire par la mort, exagèrent l'injustice et on peut ajouter que la miséricorde mot à connotation religieuse, et la pitié n'existent pas pour eux, et que même Dieu les ignore! A cela s'ajoute le rejet de leur physionomie, des sévices d'un autre temps, une exploitation sans aucune contrepartie, leur déracinement par la force. [...]
[...] Les arguments 4 et 5 forment une contradiction, puisque l'âme est l'essence de l'humanité et non la peau. Le second ressemble à une maxime honteuse : la rentabilité oblige à l'esclavage, mais alors pourquoi seuls les noirs sont-ils esclaves? Les nations policées c'est-à-dire les nations européennes, sont avides d'or, qui . est d'une si grande conséquence. cette expression hyperbolique suggère que la conséquence est la nécessité de l'esclavage pour s'enrichir. L'argument 8 signifie clairement qu'un esclavagiste ne peut être chrétien, avec un jeu de mots satirique : on commencerait à croire . [...]
[...] Enfin le dernier, par une interrogation oratoire, montre l'attitude stupéfiante des dirigeants, totalement immorale. l'utilisation constante de l'ironie : le procédé le plus utilisé dans ce texte est l'ironie. La conséquence ils ont dû mettre semblent innocenter les colons, tandis que les modalisateurs il est presque impossible on ne peut se mettre dans l'esprit il est si naturel de penser on peut juger traduisent la raillerie de l'auteur. Par exemple, Montesquieu invite le lecteur à l'évidence de retourner le propos : on peut juger parce qu'on peut surtout ne pas le faire. [...]
[...] Montesquieu montre que le droit dont il est question dans sa phrase initiale est absolument insoutenable. Conclusion : Montesquieu dans ce texte utilise toutes les ressources de l'argumentation et un processus de distanciation original qui peut prêter à confusion pour un lecteur non averti mais qui est d'une grande efficacité, en procédant ainsi à la destruction de la thèse adverse, complètement ridiculisée et mise à mal sur le plan éthique. Ce texte polémique s'inscrit bien dans la philosophie des Lumières, par sa dénonciation, et l'idée de faire avancer la société et l'humanité, au nom de la raison. [...]
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