Cette oeuvre est une de celles qui ont eu le plus d'influence sur la littérature du monde occidental, et elle a été un des catalyseurs de la Réforme.
Le titre grec Éloge de la Folie peut également être compris comme Éloge de More car l'ouvrage, cette "declamatio" comme il l'appelle, est dédié à Thomas More, son grand ami, ce qui explique le jeu de mot du titre original, Encomium Moriae.
L'essai est rempli d'allusions classiques placées à la manière typique des humanistes instruits de la Renaissance. La folie est présentée comme une des déesses, fille de la Richesse et de la Jeunesse ; parmi ses compagnons fidèles on trouve Philautia (le narcissisme), Kolakia (la flatterie), Léthé (l'oubli), Misoponia (la paresse), Hedone (le plaisir), Anoia (l'étourderie), Tryphe (l'irréflexion), Komos (intempérance) et Eegretos Hypnos (le sommeil profond).
L'Éloge de la Folie a connu un grand succès populaire, à l'étonnement d'Érasme et parfois à sa consternation.
Rappelons d'abord que le genre est la satire, que la narration repose sur la prosopopée (voir vocabulaire) (la Folie faisant son propre éloge, éloge paradoxal puisqu'il prend le contre-pied de l'opinion courante), que le type est descriptif, et inclut le développement d'une argumentation, et que le registre est ironique (...)
[...] Cette comparaison avec les sujets du diable est très forte et très osée et assoit cette critique acerbe à propos de leur traitrise. Contrairement Machiavel le matérialiste, Erasme insupporte et attaque. L'évocation des guerres de religion et du sang versé au nom du Christ appuie toujours sur l'absurdité. La répétition des mots ennemis et sang et le rythme ternaire toujours renforcent la dénonciation : les vrais ennemis sont les pontifes eux-mêmes. Erasme va jusqu'à les accuser de faire oublier le Christ de l'enchainer, et de dénaturer son enseignement. Le reproche de tout le passage est ici prononcé. [...]
[...] Un peu plus loin, le rythme ternaire est marqué dans la phrase qui termine ce paragraphe. Il met ainsi en valeur les adjectifs inhumain abominable et détestable et l'adverbe très insistant infiniment qui suit ces hyperboles crée une exagération extrême appuyée par le segment véritables lumières du monde qui qualifie ironiquement les pontifes, ici ce n'est pas la Folie mais Erasme qui se moque d'eux dans cette antiphrase, exprimant à quel point ce serait atroce pour eux s'ils n'avaient que le bâton et la besace donc le strict minimum, et dénonçant donc leur corruption et leur superficialité. [...]
[...] Ce personnage, soit héros d'une histoire racontée par d'autres (à la troisième personne), soit sujet de sa propre histoire (à la première personne), est présenté comme détenant une parole qui est la mesure même de l'autorité. Son discours a une visée essentiellement spirituelle, ne serait- ce que par figure à ce niveau-là: ce caractère est spécifique, et nettement topique. Le récit est une mise en scène narrative, par succession d'états, d'actions et de transformations dans des relations et des comportements, de faits et gestes la plupart du temps humains. [...]
[...] C'est sa première apparition, ici Erasme reprend la prosopopée pour se protéger (à cause de la censure de l'époque). On ressent donc à ce moment-là le narrateur-Folie qui, se proclamant leur bienfaitrice les assimile et les range dans les siens, les fous et l'on ressent donc par ailleurs l'auteur portant ce jugement et blâmant les souverains pontifes. Se dessine donc le discours épidictique (voir vocabulaire) dans ce texte, et ce rythme binaire opposant questions et exclamations étant embrassées entre elles constitue son exorde (voir vocabulaire). [...]
[...] C'est Erasme qui parle et condamne. La construction des phrases est aussi déjà une première indication car tout le texte se construit ainsi : beaucoup d'énumérations et de virgules pour alourdir la critique et la rendre plus brutale, des longues phrases, on pourrait même dire périodes, et ces questions auxquelles seront ensuite opposées des exclamations pour interpeller d'autant plus et créer un effet de symétrie. Cette première question avait étalé un champ lexical du sacré et de la chrétienté, auquel s‘oppose celui de la mort et de la violence avec les mots violence fer poison de la seconde question. [...]
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