Document sur <em>L'Enfant</em> de Jules Vallès : dans quelle mesure est-ce une oeuvre réaliste ? Cette dissertation montre qu'au-delà d'une première lecture qui laisse accroire que le roman L'Enfant de Jules Vallès est une oeuvre réaliste, il existe une seconde lecture, plus profonde, qui dénote une valeur symbolique, invisible au premier abord.
[...] Si les faits de L'Enfant nous paraissent si proches, si vivants et si réels, c'est parce que Jules Vallès les a vécus. Il a d'abord été l'acteur malheureux de cette enfance avant d'en être le narrateur. Il suffit de parcourir une biographie de l'auteur pour s'apercevoir que le compte-rendu littéraire de sa jeunesse est l'exact calque de la réalité : son père fut nommé au Collège Royal du Puy en 1832, la famille déménage à Saint-Etienne en 1840, Vallès échoue au baccalauréat (à l'instar de Jacques Vingtras) en 1850. [...]
[...] Le réalisme neutre et objectif est donc faussé par les marques non dissimulées de la maturité d'un écrivain messager. De plus, l'auteur opère un détachement avec le réalisme par la place accordée à l'onirisme, à la sensibilité intimiste et au jeu de l'inconscience. Une œuvre à caractère autobiographique ne peut pas, par essence, appartenir au courant strictement réaliste qui revendique une plume et un œil objectifs. Ici, la sensibilité de l'enfant est omniprésente derrière l'écriture de l'adulte. Et comment une réalité perçue par les yeux d'un enfant pourrait-elle être retranscrite sans son intacte vérité ? [...]
[...] Car le temps a passé, et Vallès utilise une ironie mordante pour compléter le discours faussement naïf du petit Jacques Vingtras : Suis-je un enfant du hasard ? Ai-je été fouetté par erreur pendant treize ans ? Parlez, vous que j'ai appelée jusqu'ici Genitrix, ma mère, dont j'ai été le cara soboles, parlez ! L'adulte dresse ainsi un portrait corrosif du couple parental vu par l'enfant, et ce portrait tient plus de la caricature mordante que de la reproduction photographique : il amplifie les traits de caractère, grossit les défauts, gomme les réussites (comme l'ascension sociale du père, par exemple, jamais mentionnée). [...]
[...] Ainsi, par de nombreuses situations dont la complexité nécessite la double lecture, Vallès dote son texte d'une vraie valeur symbolique qui élargit la portée de son œuvre. Malgré les aspects d'un contenu réaliste, le roman de Jules Vallès s'éloigne de cette conception en multipliant les jeux stylistiques et littéraires. Mêlant le rêve et la part de l'inconscience à des aspirations symboliques personnelles, Vallès offre à un roman intimiste des valeurs humaines et morales intemporelles. Son œuvre ne peut être ainsi classée avec la facilité qu'une lecture superficielle supposait. [...]
[...] Le rapport l'argent et à l'apparence sont des thématiques omniprésentes du roman. L'argent est d'ailleurs le titre d'un chapitre entier de l'œuvre, et pas n'importe lequel : c'est le treizième chapitre, central, autrement dit la clé de voûte de la structure narrative du récit. Les références plus ou moins liées aux difficultés financières de la famille sont multiples et couvrent tout le roman : la maison que nous habitons est dans une rue sale elle a acheté un lapin, ce matin, à bas prix L'importance obsédante du thème du vêtement dans l'œuvre tient dans le fait que c'est par l'aspect extérieur que sont fichés les individus dans cette société de classes D'ailleurs, le regard de Vallès analyse cette société dans sa multiplicité : le monde rural, celui des salons, le milieu scolaire, étudiant, et celui des masses anonymes. [...]
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