En partir d'une citation des frères Goncourt, analyse de l'image de la mère dans <em>L'Enfant</em> de Jules Vallès. Pourquoi l'auteur a-t-il un comportement si exécrable par rapport à cette figure féminine ?
[...] VINGTRAS est un livre symptomatique de ce temps. Abstraction faite de l'animosité partisane du jugement, on voit bien ce qui motive une telle appréciation : à la première lecture en effet, L'Enfant peut apparaître comme un violent réquisitoire contre la religion de la famille et le dossier instruit contre la mère, primaire, sotte, vaniteuse, et bêtement cruelle, est pour le moins accablant. On ne s'attardera pas à relever les charges : il faudrait recopier les trois quarts de L'Enfant ! [...]
[...] L'enfer, on le sait, est pavé de bonnes intentions, et –vice parental extrêmement commun-, pour le bien de son enfant que madame Vingtras se montre aussi intransigeante et méchante. Conclusion : Si le texte se garde bien de passer sous silence les irréparables torts de la mère, dans le même temps il donne des éléments, fournit au lecteur des indices qui interdisent de porter un jugement catégorique. La psychologie est un produit social, le caractère de la mère résulte de son inconfortable situation mondaine c'est cela aussi qu'explique L'Enfant, et c'est pourquoi le réquisitoire impitoyable que constitue le récit (il est vrai que, dans la littérature, la mère a rarement été aussi malmenée, maltraitée) en appelle également aux circonstances atténuantes, compromis qui trouve sa conclusion dans l'explication finale : la mère avait de l'ambition pour le fils et le père. [...]
[...] Nulle part il n'est écrit que le martyr qu'elle fait subir à la chair de sa chair soit sa nature. Ce dernier point est capital, et engage toute la lecture du personnage. Dans L'Enfant, la mère obéit moins à ses penchants spontanés sévèrement bridés (elle se révèle fugitivement tendre lorsqu'elle souffre profondément) qu'aux impératifs sociaux, qu'aux contraintes imposées par le rang qu'elle s'imagine devoir tenir en société. Madame Vingtras est la flagrante illustration d'une conscience aliénée par le respect des codes de savoir-vivre, par l'intériorisation de modèles à suivre. [...]
[...] Le témoignage des Goncourt (par ailleurs farouchement hostiles à la Commune, et donc à Vallès) nous servira ici de point de repère. Voici ce qu'ils écrivent (en juin 1879) dans leur journal intime : Une vilaine et rancunière humanité entre aujourd'hui en scène dans le livre de Vallès, qui vient de paraître. La mère, jusqu'à présent, était sacrée ; la mère, jusqu'à présent, avait été épargnée par l'enfant qu'elle avait porté dans ses flancs. Aujourd'hui, c'en est fini en littérature de la religion de la famille, et la révolution commence contre elle. [...]
[...] La remontée de l'enfance paysanne est irrépressible, le refoulé affleure constamment : et toujours à vous parler des cochons qu'elle a gardés, des bourrées qu'elles a dansées Doit-elle déguiser son fils, elle en fait naturellement un charbonnier c'est-à-dire un vulgaire bougnat ; au cours d'une soirée chez monsieur David, président de l'Académie poétique de Nantes, pour faire pièce aux autres danses, madame Vingtras improvise une bourrée qui s'impose à elle, qui s'empare d'elle Lapsus sociaux significatifs. Les violences, les fautes de la mère ont une raison, une logique. Madame Vingtras est une paysanne qui veut oublier, extirper ses origines, qui veut absolument que son fils échappe à la vie misérable qu'elle a connue ; en imposant à son rejeton les leçons (voir le passage qui démarque l'éducation –grotesque, impossible, ratée- d'un autre parvenu, M. [...]
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