Commentaire composé entièrement rédigé d'un extrait du célèbre roman de Flaubert, Madame Bovary : 1re partie, chapitre 9. De "Dès le commencement de juillet ..." jusqu'à "dans la campagne".
[...] Dans son hébètement Emma ne perçoit que des fantômes comme en témoignent les quelques indéfinis qui déterminent les êtres vivants on sonnait quelque chat un chien Le chat qu'Emma probablement n'a vu qu'une fois et non tous les dimanches est perçu ainsi dans la conscience d'Emma comme un événement répétitif car le verbe est également à l'imparfait itératif. Emma sombre ainsi dans l'inertie et s'efface progressivement à l'image de la sonnerie qui se perd dans la campagne. Cela semble une préfiguration du dénouement. Elle n'existe plus Un personnage qui disparaît, le temps qui se fige Il semble que Flaubert ait voulu faire de ce roman, selon la formule de Ricardou l'aventure d'une écriture plutôt que l'écriture d'une aventure. [...]
[...] Les trois verbes au passé simple qui ont pour sujet Emma sont significatifs. Il s'agit d'abord d'un acte dérisoire et puéril : Elle compta sur ses doigts puis de deux actions négatives : Elle abandonna elle laissa Le passé simple (temps de l'action) ne fait ici que rapporter des non-événements et indique bien les phases d'un engrenage. Les seuls propos d'Emma rapportés au style direct sont particulièrement mis en valeur par la mise en page. J'ai tout lu se disait-elle. Cette dernière étape du renoncement la lecture est très significative. [...]
[...] La deuxième phrase beaucoup plus brève introduite pas le mais d'opposition enlève à Emma tout espoir et celle-ci mesure à nouveau l'abîme séparant la vie rêvée de la vie vécue et voit se fermer pour toujours la porte d'un monde romanesque : Mais pour elle, rien n'arrivait ; puisqu'elle ne pourrait jamais l'avenir était un corridor tout noir et qui avait au fond sa porte bien fermée La métaphore du corridor est renforcée par la relative et les deux superlatifs absolus : tout noir bien fermée Tout changement de décor semble irrémédiablement refusé à Emma car la grande route lieu possible du départ, est abandonnée, comme le suggèrent les traînées de poussière Monotonie Ce monde clos est condamné à la monotonie et Emma est plongée dans la mélancolie. Les termes négatifs évoquant l'état d'âme de la jeune femme abondent : l'ennui de cette déception son cœur resta vide la couture l'irritait comme elle était triste ! Cette tristesse est doublée d'exaspération comme en témoignent les phrases exclamatives, interrogatives et la répétition : A quoi bon ! A quoi bon ! [...]
[...] Les phrases simples et brèves dans le dernier paragraphe se succèdent dans un rythme ternaire à l'image de ces instants interminables d'un jour encore plus mort que les autres le dimanche Le temps se fige aussi avec la disparition progressive du passé simple remplacé par l'imparfait itératif. Les repères chronologiques s'effacent. Le temps semble s'être complètement arrêté. Inertie - renoncement Emma a perdu tout espoir de vivre un événement une aventure des péripéties et cette impossibilité à accéder à un monde conforme à celui qui s'est révélé dans les romans, elle l'attribue à la fatalité : «Les autres existences avaient du moins la chance Dieu l'avait voulu ! [...]
[...] Ainsi ce passage est-il placé sous le signe de l'enfermement, la monotonie et l'inertie mais il est aussi révélateur de l'art de Flaubert qui refuse de se plier aux conventions du genre romanesque. I. Une héroïne en proie au mal de vivre. Enfermement A la suite d'une déception, Emma voit de nouveau son univers se réduire. Elle n'a de cesse tout d'abord de revivre ce moment éblouissant du bal à la Vaubyessard où rêve et réalité pour elle s'étaient rejoints. [...]
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