Electre de Giraudoux, publiée en 1937, est une version moderne du mythe antique. Alors qu'un étranger entre dans Argos, on annonce le mariage prochain d'Electre, fille d'Agamemnon, et d'un jardinier. L'étranger la soustrait à cette obligation et révèle être Oreste, frère exilé de la jeune fille. La scène 10 de l'acte II est la scène ultime de cette pièce, mais la résolution de l'intrigue dramatique a déjà eu lieu avec le meurtre de Clytemnestre et d'Egisthe par Oreste. Alors que les Corinthiens pillent la ville et tuent des innocents, Electre savoure sa vengeance. Nous pouvons nous demander quelles sont les caractéristiques d'une scène de dénouement. Nous étudierons en premier lieu, la condamnation sans appel d'Electre puis la vengeance satisfaite, un passage rythmé par cette dualité des interprétations.
[...] Mais, à plus forte raison, on trouve une note d'espoir dans ce spectacle de désolation : les innocents s'entretuent peut être mais les coupables ont été punis comme le souligne l'utilisation de la conjonction marquant l'opposition "mais". Argos renaît donc de ses cendres, par l'habile métaphore de l'aurore, l'espoir est permis. Même sur des ruines, l'espoir existe toujours. b ) Electre, allégorie de la Justice Tous les membres de la famille d'Electre ont disparu et celle-ci perd avec eux son humanité, aussi bien sa compassion que son statut de mortelle au prise avec les dieux. [...]
[...] Cette scène censée marquer la fin n'en est donc pas vraiment une, à la mort succède l'espoir et cette reprise du cycle éternel de la vie jour se lève") ne nous permet pas de trancher. Giraudoux procède à une relecture du mythe dans cette dernière scène. La justice impitoyable qui a fait massacrer des innocents est la promesse d'un jour nouveau où la justice règnera en maîtresse. L'originalité de ce dénouement réside dans l'absence de conclusion sur l'avenir et le personnage d'Electre, pouvant être interprété à la fois comme bon ou mauvais. C'est au spectateur d'achever le processus par le biais de la pensée. [...]
[...] cette mise en valeur du personnage d'Electre s'oppose à sa "satisfaction" et ne la rend que plus inhumaine. Electre est pleinement satisfaite, elle a sa conscience pour elle. Cependant, un sombre avenir se profile au loin. Elle a perpétué le crime chez les Atrides en devenant elle-même meurtrière . Alors que le jour se lève, un regard nouveau est posé sur les crimes d'Electre et leurs répercusions. Sa justice inhumaine n'empêche pas la réhabilitation du personnage dans cette dernière scène, qui contraste avec la possibilité de condamnation sans appel, vue précédemment. [...]
[...] Electre ne peut être complètement diabolisée. Elle semble en paix avec les puissances supérieures comme le suggère l'opposition d'attitude entre les Euménides et le mendiant, que l'on sait doué lui-aussi de pouvoirs divins. Giraudoux réhabilite implicitement son personnage et ne rejette pas complètement la thèse de "justice intégrale" d'Electre. c ) Pas de conclusion réelle La victoire d'Electre sur Egisthe et sur son passé a finalement eu lieu. Guidée par ses principes de Justice et de Vérité, Electre a clairement choisit de sacrifier l'intérêt général pour venger la mort de son père. [...]
[...] Les Euménides devenues ici les Erynies, déesses assoiffées de vengeance, non contentes de prédire un sombre avenir pour Electre, lui rappellent que le trépas de son frère est entièrement de sa faute : "nous prenons ton âge et ta forme pour le suivre". L'énumération d'Electre, sous forme de gradation, "J'ai ma conscience, j'ai Oreste, j'ai tout" 12) en arrive à l'essentiel : "J'ai la justice, j'ai tout" 24). La justice intégrale d'Electre la rend profondément inhumaine. Elle n'est animée d'aucune compassion pour les habitants pris dans la tuerie et désigne la justice comme but suprême. Son aveuglement contraste fortement avec le champ lexical du massacre, employé par les Euménides : "s'égorgent", "incendie", "massacrent", "crime", "coupable" . [...]
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