Boris Vian, "L'Ecume des jours", Incipit : lecture analytique

Résumé du document

- Incipit traditionnel dans la mesure où il remplit pleinement son rôle puisqu'il présente le personnage principal "Colin" et le cadre, le lieu, le décor dans lequel il évolue.

- Le personnage ouvre directement le roman. Il est le premier mot qui le constitue : "Colin terminait sa toilette" (ligne 1). La progression à thème constant souligne l'importance du personnage et l'attention qui lui portée : "Colin", "Il s'était enveloppée", "Il prit". Le passage à une progression à thèmes dérivés ne doit pas faire oublier que le thème global reste le personnage et que les thèmes développés ne se rapportent qu'à Colin : "Son peigne", "Quelques comédons", "sa tête" (...)

Extraits

[...] - Mais on constate aussi que cette description présente elle aussi des éléments étranges puisque le personnage loin de s'affairer à réduire une quelconque pilosité, s'arme d'un coupe-ongles pour taill[er] en biseau les coins de ses paupières Le lecteur se rend ainsi compte, dès le début de l'œuvre, de l'existence particulière des personnages qui ne sont pas soumis aux mêmes lois qui régissent notre monde. Cette précision dans la description physique du personnage qui travaille son aspect pour donner du mystère à son regard étonne et laisse d'ores et déjà envisager les phénomènes étranges qui surviendront dans l'œuvre tels que le nénuphar de Chloé. Les autres indices/éléments présentant Colin - D'autres éléments parcourent le texte et renseignent encore davantage le lecteur sur le personnage de Colin. - Ainsi, on se rend compte qu'il s'agit d'un être particulièrement soigneux et soucieux de son apparence. [...]

[...] L'inscription du personnage dans un univers enfantin laisse présager des difficultés à venir. En effet, on n'est pas dans un monde totalement fictionnel et la focalisation qui est faite sur la toilette, le costume d'intérieur, la nécessité d'éponger l'eau, de supprimer toute trace d'humidité souligne un ancrage dans une profonde réalité et quotidienneté. La question est donc de savoir si le héros pourra et saura vivre et s'épanouir dans ce monde à la fois enfantin mais pourtant soumise à certaines règles. [...]

[...] On a une œuvre qui semble fuir la réalité des adultes pour créer un univers simple, chaleureux, enfantin. Les affreuses traces de l'adolescence, ces comédons et autres pustules disparaissent. Symboliquement, cette description est importante puisqu'elle souligne cette volonté d'inscrire l'œuvre dans un temps plus simple et innocent (refus presque du monde des adultes). Dès lors, on remarque le caractère enfantin du personnage et donc la fantaisie de l'auteur. L'eau est ainsi essuyée par une serviette de bain tenue du bout des pieds alors qu'un adulte prendrait une raclette ou une serpillère. [...]

[...] Par exemple, Vian interrompt une description physique pour introduire une tout autre donnée sur la personnalité cette fois du personnage : Il était assez grand, mince avec de longues jambes, et très gentil La rupture est visible et surprenante. Ou, au contraire, l'auteur arrête toute information portant sur son caractère pour apporter une précision sur son quotidien : Il était presque toujours de bonne humeur, le reste du temps il dormait - On a donc une construction du personnage assez particulière, en apparence déstructurée. [...]

[...] Il détacha la serviette qui lui ceignait les reins et passa l'un des coins entre ses doigts de pied pour absorber les dernières traces d'humidité. Dans la glace, on pouvait voir à qui il ressemblait, le blond qui joue le rôle de Slim dans Hollywood Canteen. Sa tête était ronde, ses oreilles petites, son nez droit, son teint doré. Il souriait souvent d'un sourire de bébé, et, à force, cela lui avait fait venir une fossette au menton. Il était assez grand, mince avec de longues jambes, et très gentil. [...]