Fiche de lecture de l'ouvrage de Sylvie LINDEPERG: Les écrans de l'ombre, la seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969)
Elle étudie dans ce livre 'comment l'histoire de la deuxième guerre mondiale a été convoquée, refigurée, réinventée par le cinéma français en fonction des enjeux du temps présent'. Elle s'appuie non seulement sur les films tels qu'ils ont été projetés, mais aussi sur les différentes étapes de leur élaboration et leur accueil par la critique et le public, incluant dans son champ d'étude des films portant sur une autre période mais traitant en réalité de la deuxième GM. Une première période, jusqu'en 1947 , voit la naissance d'un mythe (3 premières parties) ; dans la seconde est étudiée la postérité de ce mythe jusqu'en 1969 (parties 4 et 5).
[...] L'autre concept est celui de la continuité républicaine incarnée par de Gaulle : dans La grande épreuve le mot d'armistice n'est pas prononcé, on parle seulement de trahison. Seule compte l'élite de la France qui se bat, qui assure la continuité semble dire ce film qui passe rapidement sur la Résistance intérieure. Jeux de rôles, enjeux de pouvoir Ces documentaires du SCA servent la volonté du pouvoir de maintenir le rang de la France : l'éloge des colonies ralliées à la France libre entretient la mystique impériale ; pour l'Indochine les combats contre les indépendantistes présentés dans continuité de la guerre (Caravane blindée se termine par le départ pour Saïgon, suite du combat pour la France). [...]
[...] L'Ecran français, pris en main par des orthodoxes, lance une vaste campagne contre le fatalisme, la résignation à la guerre qu'entretiendraient les présentations négatives de l'homme (cf condamnation du Corbeau, plus haut), et par les films exaltant la guerre (1949). Beaucoup dans la profession militent aussi contre les accords Blum-Byrnes. C'est aussi l'époque d'éloges contestés à la France libre : le plus souvent des épopées exaltant la noblesse de l'élite guerrière, et par là la mystique coloniale : le sous-marin Casabianca (Georges Péclet, 1958) par exemple. [...]
[...] L'image de la France : une action contre le passé Si la censure ne s'attaque pas aux héros ambigus, il n'est pas question de porter atteinte au prestige de la France : elle exige parfois des remaniements profonds comme pour La neige était sale (Luis Saslavsky : portrait d'une ville sous l'Occupation où abondent les "mauvais Français") dont l'action est déplacé dans un pays d'Europe centrale. Ce film subit en outre des coupures pour moeurs. Ce qui est montrable au théatre, et montré, est censuré au cinéma, plus réaliste. La logique internationale de blocs remplace donc celle plus nationaliste de l'héroïsme résistant, autorisant ainsi des films pacifistes (cocardier : Noël-Noël, antimilitariste : Autant-Lara ou hantés par le spectre du sacrifice : Cayatte . des films prêchant l'individualisme (jusqu'au nihilisme d'Autant-Lara), des films où l'Allemand n'est pas si différent. [...]
[...] VII : l'effet de réel ou les vraisemblances du mythe Jéricho (Henri Calef, 1946), radiographie d'un succès Ce film s'inspire de la destruction de la prison d'Amiens par la RAF pour libérer des prisonniers. Il présente pour la première fois un nouveau regard sur la France captive : est montré le quotidien de l'Occupation, avec ses pénuries, sa peur diffuse . Il abandonne le schéma narratif habituel (centrer sur un groupe héroïque) pour montrer l'ensemble de la population, attentiste dans sa grande majorité. La collaboration d'Etat est même timidement suggérée ici ou là. [...]
[...] Lorsque cette rivalité est réactivée dans les année 60, la seconde l'emporte tandis que de Gaulle s'impose. Cependant on passe d'une culture du sacrifice à la célébration d'un individualisme et d'un patriotisme réconciliés. Les utilisations de la guerre sont aussi plus individuelles (enjeux personnels : nostalgie, incompréhension de la jeunesse De plus en plus les films sur la deuxième guerre mondiale s'inspirent non seulement des événements eux-mêmes mais aussi des représentations déjà proposées (intertextualité). A ce titre 1969 marque un tournant : avec le départ des générations politiques issues de la guerre, ce sujet n'est plus un enjeu de légitimation. [...]
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