L'Echec de l'Islam politique - Olivier Roy

Résumé du document

Fiche de lecture sur l'ouvrage de Olivier Roy: L'Echec de l'Islam politique



L'Echec de l'islam politique a pour objet les mouvements islamistes contemporains, c'est-à-dire les groupes activistes qui voient dans l'islam autant une idéologie politique qu'une religion, s'inscrivant eux-mêmes en rupture avec une certaine tradition. Ce sont ces mouvements qui ont animé depuis quelques dizaines d'années, et plus particulièrement depuis le début des années 1980, la contestation contre l'Occident et les régimes en place au Moyen-Orient. Olivier ROY s'est attaché à mettre en évidence la nature et les causes de ce qu'il analyse comme l'échec de ces mouvements.

Extraits

[...] Le réinvestissement du social, soit sur le plan des pratiques, soit sur le plan de l'économie La groupusculisation, qui concerne les mouvements les plus extrémistes, qui apparaissent davantage comme des sectes que comme des partis. A cette catégorie appartiennent des groupes comme le Takfir wa'l hijra égyptien ou le Djihad islamique palestinien. Les fondamentalistes promeuvent une prédication puritaine qui vise à obtenir le retour à la pratique de l'islam dans la vie quotidienne, tout en s'accompagnant d'une socialisation par le bas (espaces de rencontre, clubs, etc.). Les quartiers populaires des grandes métropoles sont le terrain le plus favorable au néofondamentalisme. [...]

[...] L'"économie islamique" n'est que rhétorique. Les mouvements islamistes, même s'ils parviennent au pouvoir, ne parviennent à créer aucun modèle social nouveau: le modèle islamique est pour les riches l'Arabie saoudite rente plus la chariat"), pour les pauvres le Pakistan, le Soudan, l'Algérie chômage plus la chariat"). L'islam politique n'est plus un enjeu géostratégique, c'est tout au plus un phénomène de société: ainsi, dans tout le monde musulman, les Etats-nations résistent aisément aux appels à l'unité et aux regroupements de la société islamique. [...]

[...] C'est la stratégie des Etats, et non l'existence d'un mythique internationale islamique, qui explique la place et l'action des mouvements islamistes sur l'échiquier moyen-oriental. La lutte idéologique a en particulier opposé Iran et Arabie saoudite, qui se sont efforcés d'instrumentaliser les mouvements islamistes dans le sens de leur politique extérieure. Ainsi, l'incidence de l'islamisme, si l'on excepte la parenthèse de la révolution iranienne et de la guerre d'Afghanistan, est donc essentiellement socioculturelle: elle marque les rues et les mœurs, mais pas le rapport de forces au Proche-Orient. Elle n'a pas créé de "troisième force" dans le monde. [...]

[...] La thèse de l'échec de l'islam politique paraissait à l'époque plus audacieuse qu'à l'heure actuelle, où le spectre de la révolution islamique semble s'être sensiblement éloigné. La grande lucidité de ce livre tient sans doute à l'approche pluridisciplinaire adoptée par son auteur: les apports de l'histoire, de la philosophie, de la sociologie ou encore de la géostratégie permettent de ne jamais étudier le phénomène islamiste de façon réductrice, mais au contraire d'insister sur les multiples dimensions de son échec: sur le plan intellectuel, une incapacité à penser le politique comme une sphère autonome; sur le plan sociologique, l'expression d'une frustration et d'un ressentiment face à une acculturation qui est déjà là et à laquelle on essaie d'opposer un islam imaginé; sur le plan géostratégique, l'impossibilité d'échapper au primat de l'Etat-nation sous la forme d'un "islamo-nationalisme". [...]

[...] L'islam politique ne résiste pas à l'épreuve du pouvoir. Les régimes qu'ils combat sont toujours en place et la guerre du Golfe a consacré l'hégémonie américaine. Non pas que l'islam disparaisse de la scène politique: au contraire, du Pakistan à l'Algérie, l'islamisme se diffuse, se banalise, s'intègre dans le paysage politique, marque les mœurs et les conflits. Mais il a perdu son impulsion d'origine: il n'offre plus de modèle d'une autre société et toute victoire politique de l'islamisme dans un pays musulman ne changerait aujourd'hui que les mœurs et le droit. [...]