Commentaire entièrement rédigé D'un Cyprés, lettre écrite par Cyrano de Bergerac. Ce texte totalement atypique donne une image parfaite de l'esprit rieur de Cyrano et du libertinage d'esprit de son époque. Il s'agit donc ici d'étudier les métamorphoses d'une lettre fictive mises au service d'une esthétique de la réversibilité presque baroque.
[...] Démiurge à sa façon, Cyrano de Bergerac nous montre que le monde est soumis à notre subjectivité et à nos sens. Rien n'est figé et tout peut changer. Si le texte avait continué, le cyprès aurait continué de se métamorphoser, à l'image de Cyparisse, en de nombreux éléments, selon l'imagination du créateur. Le terme de métamorphose est adapté à la réalité changeante du cyprès, vue comme réalité matérielle liée notamment au corps humain dans une nouvelle image de la réversibilité. [...]
[...] Dans ce que l'on pourrait appeler l'exorde, le destinateur annonce explicitement l'objet de sa lettre : J'avais envie de vous envoyer la description d'un cyprès Mais ce qui est déjà présent à travers l'utilisation du plus-que-parfait va être précisé dans la deuxième partie de la phrase : mais je ne l'ai qu'ébauchée L'épistolier va nous livrer la cause de cet échec : l'objet résiste à la description. En cela la description qui occupe la lettre peut être qualifiée de négative. [...]
[...] En faisant de la pointe le thème principal de la lettre, Cyrano de Bergerac semble se moquer encore une fois de la littérature précieuse et ceci à plusieurs niveaux . Il fait d'abord un pied de nez à la prétention des précieux à reconstituer la diversité du monde, à unifier le sens de l'existence. L'auteur montre ici la relativité des choses. Les efforts déployés par le scripteur pour unifier ce qui fait le cyprès aboutissent exactement à l'inverse. La pointe devient tour à tour image du lézard inversé, alênes du cordonnier, lance, flèche, clou, obélisque, pyramide, arbre-dragon Le cyprès subit de nombreuses métamorphoses à l'image du corps de Cyparisse. [...]
[...] En effet, Cyrano de Bergerac développe son propre style entretenant parfois des liens flous avec la préciosité. Il introduit dans son texte un certain sourire et une autodérision qui colorent son écriture et qui donnent une impression de jubilation. Le double registre, notamment, nous conduit vers une lecture métatextuelle que le texte semble appeler de lui-même. A travers l'affirmation du pouvoir de l'écrivain, Cyrano développe une esthétique de la réversibilité où le monde peut être vu d'une multitude de façons selon le point de vue adopté. [...]
[...] La pointe est insaisissable. On observe en effet une multiplication des modalisations et autres marques qui disent l'incapacité à présenter avec exactitude : je crois on dirait je voudrais bien Dans une longue phrase qui est l'avant-dernière du texte, l'épistolier dit avoir les yeux crevés par cette pointe, l'objet ne cesse de lui échapper. L'arbre impossible à décrire envahit le texte sous la forme de la pointe L'auteur va se servir d'images pour tenter de dire. Le cyprès et sa pointe sont tour à tour comparés à un lézard renversé, à vingt-mille lances, à un flèche, à un grand clou Ils sont aussi personnifiés à travers l'image du cordonnier. [...]
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