Le drame romantique s'inscrit dans la rupture que les jeunes écrivains romantiques veulent marquer avec l'esthétique du classicisme. Mais dès le début, il essuie des critiques acerbes. Musset, dans Lettres de Dupuis et Cotonet (1836), s'insurge alors et tente de définir le drame romantique : « Non […], ce n'est ni le mépris des unités ni l'alliance du comique et du tragique, ni rien au monde que vous puissiez dire : vous saisiriez vraiment l'aile du papillon, la poussière qui le colore vous resterez dans les doigts. Le romantisme, c'est l'étoile qui pleure, c'est le vent qui vagit, c'est la nuit qui frissonne, la fleur qui vole et l'oiseau qui embaume ; c'est le jet inespéré, l'extase alanguie, la citerne sous les palmiers, et l'espoir vermeil et ses mille amours […] ». Ainsi, ce que prône avant tout le drame romantique, c'est la liberté dans l'art, comme l'affirme Victor Hugo dans la Préface de Cromwell. Cependant, il ne s'est pas constitué en genre à part entière qu'à travers de nouvelles règles, comme le montre la pièce de Victor Hugo, Hernani...
[...] L'esthétique du romantisme est donc celle de la rébellion, sur le mode du lyrisme personnel ou collectif. [...]
[...] D'autre part, l'alliance du comique et du tragique définit le drame romantique, surtout si l'on veut bien reconnaître en lui le mélange des genres, du sublime et du grotesque que préconise Victor Hugo dans la préface de Cromwell. Le drame d'Hernani allie évidemment ces deux aspects que Victor Hugo définit comme complémentaires et indissociables : dans l'acte Don Carlos négocie le droit de se cacher dans une armoire pour surprendre celle qu'il aime, et finit lui-même par être surpris avec un autre soupirant par l'oncle de la jeune fille. [...]
[...] Cette vision du drame romantique n'est pas qu'une façon de voir l'homme, c'est une façon de voir le monde. Le monde romantique d'Hernani est un monde mouvementé, où les passions individuelles font et défont les destins du monde et réciproquement : la clémence du nouvel empereur fait de lui un chef digne de la grandeur de sa place et rend deux amants heureux. Autrement dit, l'aventure collective trouve son dénouement dans l'aventure individuelle. De plus, le drame romantique s'inscrit dans un siècle et un mouvement littéraire qui revendique une place pour la jeunesse dans un monde réservé aux vieillards : Don Ruy est le symbole de cette vieillesse omnipotente qui brime les désirs de la jeunesse ; Hernani et Don Carlos sont jeunes, sensibles, exaltés. [...]
[...] Ce foisonnement permet une rupture brutale avec l'univers épuré de la tragédie. En effet, ce ne sont plus la bienséance ni la vraisemblance qui guident l'artiste, mais avant tout le réel : la réalité selon l'art et non la réalité selon la nature comme le distingue bien Victor Hugo lui- même dans sa Préface de Cromwell. Les personnages ont autant de défauts que de qualités ils sont devenus humains Ainsi, le héros, Hernani, aime Doña Sol à la folie mais il ne peut se sacrifier à elle : au début de la pièce, il lui offre de partager sa vie de banni ; à la scène 4 de l'acte III, il l'accuse injustement d'avoir trahi leur amour et, quand il est rassuré sur ses sentiments, il laisse éclater son désespoir : Doña Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi ! [...]
[...] Bien sûr, Hernani développe ce goût en présentant une Espagne pittoresque : les montagnes de Catalogne où s'est réfugié Hernani Seule, dans ses forêts, dans ses hautes montagnes, / Dans ces rocs où l'on n'est que de l'aigle aperçu, / La vieille Catalogne en mère m'a reçu. les cortèges portant la bannière de l'empire ou la description du palais et de la noce d'Hernani et de Doña Sol, dans le style mauresque et gothique à la fois. II. La poétique du drame romantique Dans le cadre du drame romantique, aucune limite ne doit être imposée au génie créateur par son sujet ou son genre. La seule limite est celle de l'art. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture