Analyse de l'oeuvre littéraire de Molière Dom Juan, ce texte de six pages est le résultat d'une prise de notes complète et rigoureuse sur une analyse de l'oeuvre donnée par un professeur à des étudiants. Ce document tente de décrypter l'oeuvre de Molière en faisant des liens avec la vie de l'auteur.
[...] Enfin, c'est l'injonction directe à l'impératif («jure donc»). Molière, sensible au moindre effet verbal, ne laisse rien au hasard, et la formulation la plus simple concourt ici à une dynamique d'ensemble; on éprouve le sentiment, dans des cas comme celui-là, que le dialogue appelle et porte le geste de l'acteur. De surcroît, autre singularité de la pièce, le héros, qui séduit par son verbe, parle une prose cadencée d'une élégance, mais aussi d'une efficacité scénique inégalées. Entre autres choses, les effets rythmiques qu'elle contient lui confèrent une assise solide et permettent une bonne respiration au comédien. [...]
[...] Tout d'abord, le héros n'est pas ridicule, contrairement à tous ceux qui sont sortis de l'imagination du poète; il est même parfaitement lucide dans ses plaisirs souvent sadiques. Il se présente comme un révolté, prêt à défier toute règle susceptible de limiter son plaisir individuel. Sur le plan moral, il affiche le plus complet mépris des autres: lui-même se décrit comme un séducteur cynique, volage et raffiné, sensible au charme des passions naissantes, mais lassé par la possession. Refusant l'émotion et la morale, il considère la conquête amoureuse comme un jeu, et ne pense qu'à satisfaire son désir du moment. [...]
[...] Enfin, il se présente également comme un révolté social. Non seulement, lui-même se conduit comme quelqu'un qui refuse de tenir son rang de noble face aux paysans ou à son créancier, M. Dimanche, mais il manque de grandeur face à son père, Don Louis, et perd toute sa noblesse initiale en jouant la carte de l'hypocrisie. Bien que ce trait ait été discrètement annoncé au Ve acte devant Don Carlos, la profession d'hypocrisie faite devant Sganarelle constitue une surprise, car il n'est pas fréquent que les tartuffes lèvent le masque, d'autant que son discours est d'une lucidité et d'une vigueur exceptionnelles; il fustige la cabale des dévots, et porte la dénonciation précise et explicite d'un mal qui ronge la société, et menace le royaume tout entier, et non pas seulement une famille, comme dans Le Tartuffe. [...]
[...] Et le pamphlétaire ne manque pas d'accuser Molière d'avoir mis la défense de la religion dans la bouche d'un valet impudent, d'avoir exposé la foi à la risée publique. En fait, le rôle de Sganarelle contient des éléments très divers, qui permettent au metteur en scène de l'infléchir, sans le «forcer», dans un sens ou dans l'autre; seule la représentation peut lever l'ambiguïté inscrite dans le texte. C'est dire à quel point il nous serait précieux, pour l'interprétation du sens de l'œuvre, de connaître précisément la manière dont Molière jouait ce personnage. [...]
[...] Molière y a d'abord voulu un éclatement de l'action, dont le héros, constamment en scène, assure seul l'unité; il s'est ingénié à multiplier les tableaux montrant Don Juan dans les situations les plus variées, à le mettre sans cesse en présence de nouveaux personnages de sorte que nous assistons à une manière de défilé bariolé. Cet éclatement de l'action entraîne une multiplication des lieux et des décors, phénomène d'ailleurs caractéristique des pièces à machines, dont semble relever cette œuvre. Ce genre florissant est alors fort goûté du public, avide de merveilleux et friand d'effets spectaculaires, comme ceux que permettent une statue animée, un spectre et les foudres du Ciel s'abattant sur le héros. [...]
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