Dans L'esthétique de Ronsard, André Gendre écrit : « La poésie ronsardienne célèbre le monde ; célébrant le monde, elle se dit elle-même dans une série de figures de l'acte créateur qui sont autant de commentaires esthétiques. Mais l'oeuvre appartient au monde comme l'une de ses parties ; en se disant elle-même, elle célèbre encore et de nouveau le monde qui la voit naître ». La démarche du raisonnement s'articule autour de ce tour de force qu'opère la poésie ronsardienne : 1 - la poésie célèbre le monde, 2 - la poésie fait du monde la glose du discours amoureux, 3 - dépasser la nature dans et par la poésie.
[...] Elle se comporte comme un homme qui louerait l'amour et le miracle de la conception parce que, sans ces deux phénomènes, il n'aurait jamais vu le jour. La poésie célèbre moins le monde qui la voit naître que le monde qui l'a fait naître. En imprégnant sa poésie des mouvances cosmogoniques ou philosophiques, Ronsard propose une métaphysique, une esthétique (entendons par là une recherche de la beauté) dont l'Amour constituerait le principe premier, fondateur, et vis-à-vis à duquel la poésie tendrait à n'être qu'une simple discipline corollaire. [...]
[...] Cet usage de la nature éclaire d'une toute autre lumière la deuxième étape de la dialectique ronsardienne telle que l'explique Gendre : cette Nature éclairante - qui rend le poème plus facilement accessible grâce à l'« intelligibilité naturelle que nous évoquions plus haut devient à son tour un commentaire du poème, commentaire moins esthétique que tautologique, au sens où il est question de la même idée mais formulée de différentes manières. Un renversement s'opère alors : ce n'est plus la poésie qui est la glose du monde, mais le monde qui devient une glose de la poésie. [...]
[...] A partir de ce modèle, il donne forme à des copies (des figura) qu'ils égrènent dans son poème et que Gendre considère comme étant autant de commentaires esthétiques L'expression en question nous renseigne sur ce qui constitue encore, à l'époque de Ronsard, l'idéal artistique : la recherche du beau, de l'harmonie. Il s'agit de parvenir à retrouver la perfection de l'ordonnancement naturel, à reproduire l'ordre magnifique du cosmos (par opposition au chaos à travers les formes de la poésie. L'ordre et la beauté à laquelle il aspire à travers sa poésie, lui ont été inspirés par le monde qui l'entoure. Mieux encore : c'est ce monde qui lui a donné les moyens, d'une part de les sentir, d'autre part de les exprimer. [...]
[...] A force de célébrer l'œuvre du grand architecte, il n'est pas étonnant que le poète se pique lui aussi au jeu de la création : l'espace de la poésie lui offre justement l'occasion de jouer à son tour au démiurge. Ainsi, dans le sonnet 145, Ronsard dessine, à travers le fantasme de l'amant, un univers sylvain rêvé. Entre mes bras qu'ores ores n'arrive Celle qui tient ma plaie en sa verdeur, Et ma pensée en gelante tiédeur, Sur le tapis de ceste herbeuse rive ? [...]
[...] L'intention est de transformer un amour malheureux en un monument plus durable que l'airain de donner à la douleur la consistance et la longévité légendaire du diamant, dont la pureté passe pour être inaltérable. Il s'agit, pour le poète, d'assurer sa pérennité à travers son art. Ce sonnet met en scène ce combat pour la postérité dans toute la violence qu'il suppose, insistant sur les efforts qu'il arrache à celui qui le mène. Le sonnet tout entier est construit sur un système de connotation qui dessine, en pointillés, des images fortes. L'amorce du poème surprend par sa violence et annonce la thématique de la mort, indissociable de la faux dans l'imagerie traditionnelle. [...]
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