"L'inertie seule est menaçante. Poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance." Saint-John Perse

Résumé du document

(...) écrire des poèmes est-il la seule compétence requise pour être Poète ? De même, peut-on être Poète sans pour autant avoir recours à ce mode d'écriture ? Car "l'art n'écrit que des vers ; le coeur seul est Poète" si l'on se réfère à Isidore Ducasse ; et ce coeur doit répondre de l'indocilité aux formes typiques par la révolution des mots.

Ainsi nous sommes à même de nous demander par quels procédés le Poète parvient à se démarquer pour insuffler à la littérature un souffle nouveau.

Pour ce faire, nous nous intéresserons tout d'abord à la crise du sens puis nous analyserons la déformation de la forme avant d'étudier le lien entre modernité et tradition au coeur des oeuvres poétiques (...)

Extraits

[...] L'un de ces thèmes nouveaux est celui de la ville, qui se développe de même que se développe l'urbanisation. Ce thème est l'occasion pour Guillaume Apollinaire, dans Alcools, de rajeunir la poésie : A la fin tu es las de ce monde ancien / Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin / Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine [ ] Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose / La cétoine qui dort dans le cœur de la rose (Zone). [...]

[...] Ainsi le poème L'appareil du téléphone de Ponge multiplie les sonorités imitatives pour rendre sensible la matérialité sonore du téléphone : répétition des s et des r reproduisant le timbre grêle de la sonnerie de l'appareil, récurrence métallique des k soCle cinQ Crustacé QUelQUe QUelConQUe eleCtriQUes Comédie De même un réseau phonique associe décroche croche rocher anicroche décroche La Poésie agrandit sa portée, se rapprochant du dessin comme de la musique. Le Poète a donc cette qualité qui est celle de s'ouvrir aux autres arts de façon à mieux approcher l'universel, par l'intermédiaire d'une mise en forme et d'une sonorité de plus en plus expressives. On constate également de nouvelles pratiques dans la création poétique. [...]

[...] C'est le vers noble dans lequel ce sont écrites les plus belles pages de la poésie et selon un adage on revient toujours à ses premières amours Cependant, l'alexandrin a également droit à ses propres modifications comme le montre certains poèmes comme Je rêve de vers doux d'Albert Samain : Je rêve de vers doux et d'intimes ramages / De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages [ ] De vers d'une ancienne étoffe, exténuée, / Impalpable comme le son et la nuée [ ] Le vers doux est une référence à l'alexandrin et lorsqu'il parle de ce vers fatigué, l'alexandrin est approximatif, il n'y a que onze pieds. Il en est de même pour le sonnet, toujours écrit mais parfois à son tour matière de jeu. Ainsi, Verlaine rédige des sonnets inversés, commençant par les deux tercets pour finir avec les quatrains, d'autres y rajoutent un vers ou bien en enlèvent un. Il y a donc toujours un intérêt pour les formes classiques et un amour qui s'exprime par une modernisation. [...]

[...] C'est donc loin des idées préconçues, des schémas traditionnels que doit s'avancer celui qui tend à devenir Poète. Et en ce sens, écrire des poèmes est-il la seule compétence requise pour Être Poète ? De même, peut-on Être Poète sans pour autant avoir recours à ce mode d'écriture ? Car l'art n'écrit que des vers ; le cœur seul est Poète si l'on se réfère à Isidore Ducasse ; et ce cœur doit répondre de l'indocilité aux formes typiques par la révolution des mots. [...]

[...] Il est donc naturel que la poésie évolue en s'affranchissant des idées passées par l'apparition de thèmes nouveaux et d'un rafraîchissement de la langue et des figures de style. Parallèlement, cette réactualisation du fond s'appuie également sur un éclatement de la forme au nom de la liberté du Poète, primordiale dans le sens où il n'est plus oppressé par la moindre règle hormis celle d'écrire. Dès la fin du XIXe siècle, la poésie se trouve confrontée à un réel éclatement de sa forme. [...]