Dissertation portant sur les différentes fonctions de la poésie. L'image et la réputation du « poète » sont la plupart du temps associées à la fantaisie, au manque de sérieux et peuvent même, si on les compare à celle du politique ou du scientifique, être méprisées. Malherbe n'est-il pas lui-même l'auteur de cette fameuse formule : « Un bon poète n'est pas plus utile à l'état qu'un bon joueur de quilles » ? Néanmoins, les anthologies littéraires accordent pour tous les siècles une place de choix à la poésie. Il est donc légitime de se demander quelle est sa fonction.
[...] Les poètes aiment jouer sur le contraste entre l'ombre et la lumière. Hugo le revendique pour tout un recueil, Les Rayons et les Ombres, ou Hérédia le célèbre dans Soleil couchant : [ ] L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre, Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre, Ferme les branches d'or de son rouge éventail. Le lecteur ferme les yeux : il les voit, ce ciel sombre et ce rouge éventail dans une langue qui n'aurait pas été la sienne mais qu'il peut maintenant s'approprier à jamais. [...]
[...] Dans Souvenir de la nuit du quatre il fait jaillir la plus poignante indignation en nous parlant de cet enfant tombé sous les balles de la répression après le coup d'état du 2 décembre 1852 : Nous le déshabillons en silence. Sa bouche, Pâle, s'ouvrait ; la mort baignait son oeil farouche. Dans une parodie de fable, Napoléon est comparé à un singe. Enfin, c'est lui qui transforme l'empereur en Napoléon le petit. Toutes les époque troublées voient surgir la poésie militante. [...]
[...] Nous ne citons ici qu'un quatrain, mais la suite du poème suit le même principe. On peut noter qu'il s'agit d'un sonnet, preuve que la poésie avance en mêlant à loisir classicisme et innovation. La poésie commence donc par être un exercice stylistique. Mais cette exploration du langage n'est guère dissociable de l'exploration du monde. La poésie suppose souvent un effort de la part du lecteur qui doit littéralement la déchiffrer, mais c'est en même temps une aide pour le déchiffrement du monde. [...]
[...] Les poèmes eux-mêmes, selon l'organisation, la répartition des ces strophes deviennent des sonnets, des odes, etc. Pour le poète alors, il s'agit de manier les mots, de les organiser comme un ouvrier le ferait bu bois pour le menuisier, de la pierre pour le tailleur de pierre. C'est ainsi en effet, que nombre de poètes ont d'abord défini leur travail . Malherbe pensait à cette maîtrise technique lorsqu'il conseillait aux poètes : Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage Sans doute prenait-il le terme métier dans le sens qu'il revêt chez les tisserands, chez les lissiers, ceux-là même qui tissent patiemment, croisant les fils comme l'on peut croiser les rimes. [...]
[...] Non, le poète se veut plutôt utile au peuple, à sa liberté, à son bonheur, et à son plaisir. Quelles que soient les intentions du poète, son utilité auprès de ses semblables et largement attestée : longtemps les rois, tels François 1er, ont eu leurs poètes officiels dans leur intimité ; à l'inverse, nombreux furent ceux que leur régime a réduit au silence par les moyens les plus radicaux. On ne déploierait pas tant d'attention pour un être et un art sans aucune fonction. [...]
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