Cette dissertation porte sur « Les faux-monnayeurs » d'André Gide, publié en 1925. A sa sortie, le livre a été décrié par les critiques qui ne le considéraient pas comme un roman alors que Gide le proclame comme son "seul roman"... C'est pourquoi cette dissertation tend à prouver que l'utilisation de matériaux non romanesques (dialogue, monologue, lettre ou journal intime) dans cette oeuvre confirme sa valeur de roman.
[...] On compte quatre grands monologues dans Les faux-monnayeurs ; ces monologues se situent dans les 125 premières pages. Ils ne sont pas “gratuits”, on ne peut les considérer comme une volonté, ou une fantaisie de Gide, d'introduire des matériaux non narratifs, chacun reflète et correspond à une réflexion intérieure de Bernard qui le fait s'interroger sur une action ou le pousse à agir. Ces réflexions déterminent Bernard dans un comportement : le premier monologue se situe à la page 12, soit à la deuxième page du roman, ce monologue expose la situation de Bernard, révèle au lecteur les rapports existants entre Olivier et Bernard, et fait part de la décision de Bernard après la découverte des lettres. [...]
[...] Ce sont des tranches de plusieurs vies et non des vies qui nous sont offertes à lire. Mais, ces existences, si libres qu'elles nous paraissent, sont organisées selon une certaine logique : la logique du roman ; elles ne sont pas chacune des fragments du roman mais un tout unifié par une très grande logique interne, c'est à dire une logique “transductive” qui souligne le passage des possibles à leur réalisation. Le style de Gide, ou tout au moins cette façon de traiter un sujet, fut largement décrié ; Gide pourtant, le mérite d'éveiller ses lecteurs à la réflexion, à la confrontation et, même, à la contradiction. [...]
[...] Toutefois, selon Maurice Nadeau, le roman de Gide est un roman car ce n'est, toujours selon lui, que des ébauches juxtaposées ou entremêlées de plusieurs romans possibles dont les héros pourraient être pour chacun, Bernard, Olivier, Édouard, Rachel, le petit Boris. Selon lui, ce sont des personnages qui ont un rapport entre eux mais l'auteur refusant à privilégier l'un aux dépends des autres, répartissant sur tous une lumière égale, l'auteur les isole chacun dans leur monde propre, crée autour d'eux autant de petites constellations qui, rassemblées, ne forment pas un ciel”. Gide aurait-il écrit un roman raté ? Les faux monnayeurs ont été écrits en 1926, Gide est alors à la plénitude de son art. [...]
[...] Cette attitude trop formelle, conventionnelle, tend à être trop compatissante vis-à-vis de Douviers : comme j'exagérais ma sympathie (page 322). Édouard, en public, porte un masque dont il a du mal à se défaire dans son attitude envers Olivier et dans ses paroles. Édouard se laisse emporter par les mots, ses paroles ne reflètent nullement ses pensées : à la question de Laura pour savoir à quoi ressemblerait le roman qu'écrit Édouard, Édouard répond > Édouard n'eut pas plutôt proféré ces paroles qu'il en sentit l'inconvenance et l'outrance et l'absurdité ( page 182). [...]
[...] A travers l'utilisation de ces matériaux et la fonction qu'ils ont, Gide apparaît comme un auteur qui ne veut pas s'immiscer dans la conscience de ses personnages, il les laisse s'exprimer par l'intermédiaire du journal, des lettres, du monologue et même du dialogue. Il n'est pas le romancier qui, dans un premier temps, voit le geste de son personnage et qui, dans un second temps, l'interprète ; il réunit constamment ces deux actions et laisse à ses personnages la fonction de donner au lecteur plusieurs points de vue. [...]
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