Dans quelle mesure Der Bau (Le Terrier) de Kafka et Le portrait de l'artiste en jeune homme de Joyce font-ils écho à la remarque de Bataille : "Il suffit de suivre peu de temps à la trace les parcours répétés des mots pour découvrir, dans une vision déconcertante la structure labyrinthique de l'être humain" ?
[...] [ ] Aucune vie, aucune jeunesse ne remuait en lui comme elle avait remué en eux. Il n'avait connu ni les plaisirs de la camaraderie, ni la vigueur d'une rude et mâle santé, ni la piété filiale. Rien ne remuait en lui, sauf une luxure froide, cruelle et sans amour.[ ] Il errait à travers la vie comme la coque stérile de la lune. (p.156). La perception de l'espace et du temps elle-même peut déconcerter, dans la mesure où chez Kafka comme chez Joyce, il s'agit d'un présent chaotique, obscur, avec des repères vagues et indifférenciés que les mais viennent souligner : Mais les vacances de Noël étaient encore très loin : mais elles finiraient par arriver une fois, parce que la terre tourne tout le temps. [...]
[...] Ainsi, que la fiction romanesque se réfère ou non à des éléments autobiographiques, elle emprunte aux codes de représentation un imaginaire ou des mythes qui filtrent les fantasmes personnels. Cela n'empêche nullement un lecteur attentif de repérer certains traits, voire une structure de personnalité, propres à l'auteur. L'écriture de Kafka, neutre, sans recherche d'effets rhétoriques ni poétiques, ressemble à un minutieux protocole d'observation par la qualité de sa précision, et le ton détaché qui est le sien : Je vais désormais changer de méthode. [...]
[...] Douze, treize [ ] Il écouta leurs cris : c'était comme le petit cri de souris derrière une boiserie, une note double, aiguë. Mais ces notes étaient prolongées, aiguës, en vrilles tournoyantes . Le langage et l'écriture révèlent bien, en effet, l'être qui parle et qui écrit, toutefois en quoi repère-t-on une structure de l'être humain homologue de celle du labyrinthe, dans le Terrier et Portrait de l'artiste en jeune homme ? Cette question sous-entend que nous nous interrogions sur ce que peut signifier, chez l'homme, une structure labyrinthique Pouvons-nous considérer qu'à l'instar du labyrinthe, l'homme ait un centre, que d'aucuns nommeraient cœur au sens affectif, conscience au sens moral et philosophique, inconscient au sens psychanalytique, ou âme au sens religieux ? [...]
[...] Le langage, l'écriture comme la vie se font et se défont sans jamais arriver à un terme. Cette vision déconcertante vient davantage encore heurter la sacro- sainte place de l'homme au sommet de l'échelle de l'évolution, quand Stephen se voit descendu jusqu'à l'état de bête qui se pourlèche après les repas ! ou quand son identification au faucon et à l'aigle le délivre : C'était là l'appel que la vie adressait à son âme et non pas la voix morne et grossière du monde des devoirs et des désespérances [ ].Un seul instant de sauvage envolée avait suffi à le délivrer et le cri de triomphe réprimé par ses lèvres lui fendit le cerveau. [...]
[...] A la fois ouvert à l'autre et fermé, l'opacité de l'homme peut renvoyer à l'enfermement dans lequel se trouve pris celui qui s'aventure dans un labyrinthe. De la naissance à la mort, l'homme entre et sort d'une vie dont le parcours, fait d'allers-retours, présente tous les aspects d'un labyrinthe. Alors, suffit-il de superposer l'être humain au monde dans lequel il vit, ou à la vie elle-même, pour parler de structure labyrinthique de l'être humain ? Ainsi, donnant pour titre général à sa trilogie autobiographique, Le Labyrinthe du monde, Marguerite Yourcenar avance dans son labyrinthe intérieur et consacre le troisième volume de ce triptyque à son père. [...]
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