Cette dissertation de plus de 3000 mots, se penche sur un conte africain, L'héritage, tiré des Contes d'Amadou Koumba de Birago Diop. Très complète, elle analyse non seulement la thématique ou la structure du conte mais replace aussi celui-ci dans son univers premier : celui de l'oralité, explorant ainsi la promiscuité entre auditeur et conteur mais aussi, bien sûr, les jeux linguistiques et sonores du griot africain.
[...] En ce qui concerne l'oralité dans ce conte, nous décomposerons notre étude ainsi : la poésie, l'écrit décelable dans le conte, l'oralité dans L'héritage et , enfin, les rapports du conte avec les auditeurs. La poésie est présente dans ce conte par l'intermédiaire de figures de style, elle est amplifiée par les comparaisons dans les cases, blotties comme des poussins peureux les métaphores ( les souffles qui portaient la nuit s'attardaient au faîte du tamarinier les images poétiques dues à des concepts inversés ( près du foyer qui mourait, le vieux Samba s'éteignait ) ou à des antithèses ( il avait quitté la maison des vivants pour le pays des ombres le plus petit et le plus matériel opposé au plus étendu, au plus mystérieux et spirituel , ou encore, des allitérations ( flancs flasques Si tous ces effets poétiques sont liés à l'oral car ils frappent l'oreille et l'esprit des auditeurs, d'autres effets sont plus proches de l'écrit et plus difficilement perceptibles à l'oral. [...]
[...] De même , ce conte a un titre, aspect de l'écrit s'il en est , alors que le conte oral part d'un élément, d'une discussion. L'écrit est parfois “étrange” lorsqu'il est lu : certaines phrases sont illisibles si on respecte les marques de ponctuation écrites car il est impossible de les lire sans marquer plus d'arrêts qu'indiquer : Son labeur terminé, le soleil se hâtait vers sa demeure, leurs ombres, les devançant, grandissaient à chaque instant et leur indiquaient la prochaine étape sur le sol encore brûlant qui avait succédé au pâturage verdoyant et amer, lorsqu'ils trouvèrent, au milieu de ces terres nues et désolées, une vache près d'une touffe d'herbe qu'un enfant aurait tenu dans ses bras et une flaque d'eau qu'un homme aurait recouverte d'une main Ces phrases longues composées de digressions sont présentes à l'oral mais, dans ce contexte, le conteur ferait une reprise du sujet de la phrase ; autre exemple où le groupe nominal est placé en fin de phrase, après le verbe, procédé rare à l'oral : Devant sa couche, sa dernière couche avant le sein de la terre, la terre nourricière, mère des hommes, qu'aucun de ses gestes, qu'aucune de ses paroles n'avaient offensée, n'avaient irritée, se tenaient Momar, Moussa et Birame, ses fils Tout ceci renvoie à l'homme de lettres qu'est l'auteur, Birago Diop. [...]
[...] C'est donc ce que l'on peut appeler, en quelque sorte, une analyse “linguistique” qui sera l'objet de notre deuxième partie. Et, enfin, il est indispensable d'étudier la structure du conte afin d'en comprendre le “mécanisme”, ce que nous ferons dans un troisième temps, sous la forme d'une analyse structurelle. Les thèmes de ce conte se retrouvent dans les autres contes de ce recueil mais ils n'ont pas la même fonction ni la même valeur dans tous ces contes. Il est d'autant plus intéressant d'étudier ces thèmes qu'ils rejoignent indirectement l'idée de Levi-Straus selon laquelle La substance du mythe ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration ni dans la syntaxe mais dans l'histoire qui y est racontée (Anthropologie structurale) ; rappelons que, pour Levi-Strauss, il n'y a pas de différence de principe entre le conte et le mythe. [...]
[...] Au tamarinier sont attribués des vertus magiques, dans la société africaine, ce n'est, donc, pas sans raison que les souffles qui portaient la nuit s'attardaient au faîte du tamarinier et que Kem Tanne, omniscient et éternel, se trouve parmi les enfants qui commençaient à jouer ( . ) sous le tamarinier . De même, c'est au crépuscule que les trois frères rencontrent Keḿ Tanne, à l'aube de la nuit la nuit connotée surnaturelle car c'est le domaine des morts, des mauvais génies, de la nature vivante , ce qui avait déjà été évoqué par le fait que le vieux Samba mourait durant la nuit. [...]
[...] Mais cette mort n'est pas pesante, elle fait suite à une vie bien remplie ; et la tristesse des fils, des femmes et des enfants vient d'avoir perdu la sagesse incarnée dans le vieux Samba. La vieillesse est synonyme de sagesse, ce sont les vieux du village que les fils de Samba vont consulter et c'est le plus vieux des vieux qui leur conseille d'aller trouver Kem Tanne. C'est aussi une vieille, très vieille femme qui leur dit que leur voyage s'achève et leur indique où se trouve Keḿ Tanne. [...]
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