L'autobiographie : entre mensonge et sincérité

Résumé du document

Dissertation sur cette citation de Paul Valéry : « Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et, en général, indistinct. Mais la confidence toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse, à la propagande. ». L'autobiographie est, d'après Philippe Lejeune, « un récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité. ». Cependant il apparaît que cette difficile entreprise dissimule certains vices comme l'a exposé Paul Valery. Ainsi on peut se demander si le respect du pacte autobiographique par un auteur dépend du but de son entreprise.

Extraits

[...] De plus il apparaît comme narcissique et imbus de lui-même, qu'un seul te dise, s'il ose : Je fus meilleur que cet homme-là La suite de son œuvre dévoile en vérité sa paranoïa et sa peur du regard des autres. De même, l'autobiographie semble être pour l'écrivain un véritable exutoire permettant de se connaître soi-même. Marguerite Yourcenar dans Souvenirs pieux en est parfaitement consciente, Ces bribes de faits crus connus sont ( ) entre cet enfant et moi la seule passerelle viable ; ils sont aussi la seule bouée qui nous soutient tous deux sur la mer du temps. Subséquemment, nous pouvons dire que l'autobiographie semble formuler une façade, celle qu'on peut et qu'on veut montrer aux autres. [...]

[...] Il raconte en effet son enfance dans un bidonville et ce qu'il a pu ressentir sans jamais critiquer la société. Le lecteur ne songe ainsi pas une seule seconde que l'écrivain peut mentir. Cependant il apparaît que l'écrivain choisit la sincérité totale principalement en fonction de l'adresse de son œuvre. Le respect du pacte autobiographique dépend en vérité du destinataire auquel s'adresse l'auteur. En effet, l'auteur, s'il s'adresse à Dieu, se restreindra à la plus stricte vérité. Il paraît assurément inutile de mentir à Dieu puisqu'il doit tout connaître de nous-même. Saint Augustin dans Les Confessions fait pénitence. [...]

[...] Par exemple, dans un souvenir d'enfance dans Fiction et Vérité de Goethe, Freud signale d'emblée, citant Goethe, une des difficultés de l'autobiographie: "Quand on cherche à se rappeler ce qui nous est arrivé dans la toute première enfance, on est souvent amené à confondre ce que d'autres nous ont raconté avec ce que nous possédons réellement de par notre propre expérience." De fait, pour exemple, Michel Leiris dans L'Age d'homme doute lui-même de sa mémoire lorsqu'il raconte un épisode traumatisant de son enfance par les expressions Si mes souvenirs sont justes ( ) telle est du moins l'image ( ) que j'en ai gardée De plus la mémoire n'est pas infaillible et ne peut rassembler la totalité du vécu. L'autobiographie devient donc à l'insu de l'auteur une recomposition imaginaire de sa vie. [...]

[...] Toutefois, il transforme sa culpabilité en innocence et trouve des circonstances atténuantes qui amènent finalement le lectorat à s'apitoyer sur le sort de l'auteur. De plus, il arrive même parfois que l'auteur avoue mentir comme dans Le Mentir-Vrai où Louis Aragon se parle à lui-même, C'est un mensonge concerté, de faire croire que tu jouais ainsi double jeu entre toi et les autres De plus, nous pouvons dire que parfois l'auteur est obligé de mentir. Les convenances lui imposent en effet une censure morale. [...]

[...] Il justifie cette entreprise par le souhait de laisser une trace indélébile et totalement fidèle à ce qu'il était à sa famille. Il établit explicitement le contrat de sincérité avec le lecteur, C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. ( ) Je n'y ai nulle considération de ton service, ni de ma gloire Il avoue même que si le but de sa démarche avait été tout autre [il se] serait mieux paré et présenterait avec une démarche étudiée. De plus, il apparaît parfois que les auteurs n'aient tout simplement aucun intérêt à mentir car leur but est de rendre compte d'un fait, non pas de se défendre ou de faire scandale, tel que Le gone du Chaâba d'Azouz Begag. [...]