Ensuite, comprendre peut signifier se rendre compte d'une réalité indiscutable, attitude essentielle, sous peine de se bercer d'illusions. On prend ainsi conscience du comment et du pourquoi, et la somme de ces apprentissages forme l'expérience, une connaissance qui tend vers la vérité absolue. Ici aussi, refuser longuement de comprendre en portant des oeillères est néfaste et amène à porter des jugements tronqués, de ceux qui engendrent l'intolérance et l'adhésion aux idées extrêmes (...)
[...] Puisqu'on nous somme de comprendre, en jouant sur notre conception de l'intelligence, il est sous-entendu que celui qui n'approuve pas ces affirmations est un imbécile. Heureusement, la compréhension issue de l'apprentissage permet de repérer de loin ces vérités fallacieuses et de les réfuter, de dire Je ne veux pas comprendre qu'il faut accepter Enfin, dans le cas de faits particulièrement graves, on peut tenter de comprendre les raisons d'agir d'une personne. Certains proches de victimes disent parfois comprendre un meurtrier. [...]
[...] Se pose alors une difficile question : comprendre est-il excuser ? En tout cas, se mettre à la place d'un criminel conduit au moins en partie à justifier son acte. Si les Juifs ne comprennent pas les raisons de le Shoah, c'est parce qu'ils considèrent qu'elle est hors de l'entendement humain et qu'essayer de la comprendre serait commencer à l'excuser. Ne pas vouloir comprendre est alors un choix personnel, au-delà de toute considération extérieure, et indiscutable s'il est posé. En conclusion, je pense qu'il est dangereux d'apporter un jugement unique sur cette exclamation d'Antigone, puisqu'elle couvre trop de perceptions différentes de la compréhension. [...]
[...] Ainsi, si j'affirme refuser de comprendre et me laisser dériver dans le flot des faits, je me trompe et je devrai tôt ou tard recommencer à analyser. C'est la là vraie nature de l'homme, qui en fait un être doué de raison et d'intelligence. La compréhension est vitale, et ne plus vouloir jamais comprendre serait un suicide social et humain ou la trace d'une mort intellectuelle semblable à celle de ces sans-abri au regard vide qui en ont trop vécu, au point de sombrer dans la non-conscience forcée. [...]
[...] Dissertation Comprendre, comprendre, moi je ne veux pas comprendre (J. Anouilh, Antigone) Avant tout, il convient de s'interroger sur le sens de ce verbe déformé par l'usage que chacun en fait, et qu'Antigone rejette durement. Le Robert accorde à ce mot une pleine page. Selon lui, comprendre est synonyme de : appréhender par l'apprentissage ou la connaissance, se rendre compte ou accepter, voire excuser quelque chose. On mesure mieux ce que peut impliquer ce mot apparemment anodin et entier, qui se révèle en fait multiforme et dès lors susceptible d'être utilisé à des fins et avec des intentions très diverses . [...]
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