Le XVIIIème siècle, véritable époque d'effervescence, semble avoir préludé à l'élan révolutionnaire, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan culturel et intellectuel. Ainsi, la tradition est remise en cause dans tous les domaines, allant de la philosophie jusqu'à la politique en passant par la littérature.
Toutefois, c'est dans le domaine romanesque que Diderot s'illustre comme le plus novateur, à travers le roman inclassable de Jacques Le Fataliste, où, en temps qu'auteur narrateur, il se permet d'interrompre le récit quand bon lui semble.
Pourquoi Diderot semble-t-il abuser de ces « pauses réflexives » qui interrompent sans cesse le roman ?
C'est ce que nous étudierons à travers la rupture de l'illusion romanesque, le problème de la vérité, et enfin, l'étude psychologique des personnages (...)
[...] Ces interrogations se traduisent sous la forme de questions hypothétiques, telles que Cela vous fera-t-il, cela ne vous fera-t-il pas plaisir ? Si cela vous fera plaisir, remettons la paysanne en croupe derrière son conducteur [ ] et revenons à nos deux voyageurs. Par ailleurs, la rupture de l'illusion romanesque s'exprime aussi par le jeu des possibles narratifs qui interrompt la lecture à des moments dramatiques. En effet, dans un roman traditionnel, l'auteur narrateur n'interrompt pas le récit pour poser des questions ou proposer différentes alternatives au lecteur ; en revanche, il recherche une linéarité de récit, où les actions et les événements déroutants s'enchaînent, offrant au lecteur l'image d'un personnage principal héroïque. [...]
[...] voire par de nouvelles questions : Est-ce que l'on sait où l'on va ? On peut donc deviner derrière cette négligence désinvolte de l'auteur, le refus d'informer le lecteur, de se plier aux conventions du genre romanesque, en l'occurrence ici, aux fonctions informatives et dramatiques de l'Incipit. Seule la dernière question reçoit une réponse à peu près satisfaisante et introduit un dialogue qui néanmoins laisse le lecteur perplexe Pourtant, si l'auteur néglige la fonction informative de l'Incipit, on trouve les réponses à ses questions, plus loin dans le récit. [...]
[...] Il apparaît que le rôle de l'auteur narrateur dépasse ses droits et devoirs et s'étendent ainsi sur la liberté du lecteur de s'approprier le récit. C'est ainsi que Diderot, au début du quatrième jour, dresse en un paragraphe lapidaire, une critique exacerbée du maître de Jacques, qu'il qualifie d'automate Le portrait, sans tendresse mais juste, dévoile un personnage mécanique, une marionnette qui ne sait que regarder l'heure, fumer et chercher Jacques : c'étaient les trois grandes ressources de sa vie, qui se passaient à prendre du tabac, à regarder l'heure qu'il était, à questionner Jacques ; et cela dans toutes les combinaisons. [...]
[...] Lecteur, vous êtes bien léger dans vos éloges, et bien sévère dans votre blâme. Il s'adresse ici au lecteur qu'il considère innocent, qui se suffit des actes et des faits pour condamner, sans chercher à trouver des arguments pour défendre la victime Diderot s'adonne ici à une critique de la société, dont il dénonce le penchant de la populace pour les exécutions publiques qui place [les gens de cet état] dans la tribune, et qui les transforme tout à coup en personnages intéressants Cette attirance pour la condamnation à mort va de pair avec l'empressement du lecteur à juger Mme de La Pommeraye coupable. [...]
[...] Notons en effet que l'auteur s'amuse à rompre toute illusion, découvrant avec désinvolture les stratagèmes et les pièges qu'il pose au lecteur. Ainsi, Diderot apparaît-il tel le défenseur de la vérité, qui n'aime pas le mensonge, à moins qu'il ne soit utile et forcé Bien qu'il se rende compte de lui-même, que cette vérité qu'il préconise est souvent froide commune et plate il ne la soutient pas moins. Telle est la définition qu'il donne de la vérité avant de l'illustrer par l'histoire du Poète de Pondichéry, homme ne sachant pas écrire des vers, à qui il conseilla d'abord de faire fortune, pour ensuite faire autant de vers qu'il lui plaira, tant qu'il ne les éditât pas. [...]
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