Etude littéraire du dénouement d'Iphigénie de Racine. Commentaire présentant la manière dont ce dénouement en coup de théâtre sait jouer de l'hypotypose pour atteindre, grâce à l'intervention divine, au sublime poétique.
[...] Tout est question d'interprétation des évènements comme la tragédie est une question d'interprétation de l'oracle initial. Les hommes sont donc toujours mus par leurs passions proprement humaines, bien que l'on ne puisse nier l'omniprésence d'éléments relevant du divin, du sacré. Mais comme le dit George Forestier dans l'Iphigénie, le surnaturel est de l'ordre de l'évocation par le langage : l'extraordinaire récit final repose sur l'emploi le plus poétique qui soit de l'hypotypose Il s'agit donc pour Racine d'atteindre au sublime poétique que l'on commençait, à l'époque, à ne voir plus que dans l'opéra. [...]
[...] La mort d'Eriphile Déjà pour la saisir Calchas lève le bras : Dans ce vers, l'adverbe déjà témoigne d'emblée de la rapidité de l'action. Tout se fait dans la précipitation, à peine l'armée a t'elle décidée la mort d'Eriphile que Calchas s'apprête à la sacrifier. D'autre part, le verbe saisir et la proposition lève le bras constituent des détails très concrets sur le déroulement de la scène : les mouvements de l'oracle sont décomposés, ce qui rend l'hypotypose d'autant plus visuelle. [...]
[...] En outre, le dénouement divin est encore remis en cause par Eriphile : elle ne meurt pas de la main des Dieux incarnée par Calchas mais de sa propre main, de sa propre volonté. Remarquons qu'elle est sujet de toutes les propositions dans ces vers, qu'elle prend le couteau aux Dieux, puisqu'elle le prend sur l'autel Par son geste, Eriphile écarte les Dieux du dénouement, après avoir remis en cause le caractère sacré de l'oracle donné par Calchas. (Notons que l'adjectif sacré est à attribuer à Ulysse qui fait le récit.) Mais on peut également interpréter ce sacrifice comme renvoyant à un mythe fondateur d'expiation et de renaissance par la catharsis - en effet on assiste ici à l'exécution du double coupable et pervers d'Iphigénie - qui permet la grande épopée de l'humanité que peut symboliser la guerre de Troyes. [...]
[...] La Rive au loin gémit blanchissante d'écume. La flamme du Bûcher d'elle-même s'allume. Le Ciel brille d'éclairs, s'entr'ouvre, et parmi nous Jette une sainte horreur, qui nous rassure tous Dans ces vers on remarque une personnification des éléments naturels qui s'apparentent à des entités divines selon l'interprétation des évènements opérée dans le discours d'Ulysse (après trois mois de calme plat, l'orage peut paraître un élément divin à ceux qui ont foi en les dieux). A noter : les majuscules de Vents Mer Rive Ciel élevant ces noms communs qui ne sont pas placé en tête de phrase, au statut de noms propres, comme si ces éléments naturels étaient dotés d'une singularité et d'une autonomie au même titre que les Dieux La symétrique de la position des ces entités renforce lien établi entre Dieux et les autres éléments qui sont ainsi comme divinisés. [...]
[...] Ce paradoxe se trouve parfaitement exprimé par le vers Jette une sainte horreur, qui nous rassure tous qui, coupé à l'hémistiche, témoigne de l'ambiguïté du moment. On est en fait dans la réalisation d'un miracle. Mais l'impression de surnaturel est de l'ordre de l'évocation par le langage. En effet, c'est par un extrême travail de la langue que Racine arrive à créer des images si présentes et si fortes : nous retrouvons des allitérations en sifflantes ses mugissements blanchissante frémissements et en r air répond frémissements par rive qui par imitation rendent présents à l'oreille le bruit assourdissant de la scène. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture