Que peut représenter le peintre ? Qu'a-t-il le pouvoir et le droit de représenter ? Question d'ordre esthétique et morale. Moralisme iconoclaste de Diderot lorsqu'il critique les toiles libertines de Baudouin. Pouvoir de la poésie : mouvement et abstraction, pouvoir de la peinture : présence concrète, réalité particulière fixée dans un moment. La poésie (Virgile, Lucrèce) donne à imaginer librement une scène, elle ne peut respecter aucune composition picturale. La peinture saisit l'instant. Les dieux païens incarnent des réalités complexes que la représentation réduit à quelques éléments. La peinture n'a pas le pouvoir de représenter cette complexité (...)
[...] Le rêve serait comme une image au-delà de toutes les images et de tous les mots. La présence de spectateurs sert de pivot à la sublimation esthétique. Double mouvement de pitié et de curiosité, le désir et le refus de regarder. La sublimation est une conduite de détour, le sublime exalte ou terrifie le spectateur qui se sent successivement nié comme individu et emporté comme capable de comprendre ce qui le dépasse (motif de la tempête). Le propre de la peinture est de toucher et de faire naître une rêverie entraînée au-delà de la scène particulière. [...]
[...] En ce qui concerne le drame, Diderot montre l'importance des gestes et des mouvements qui mettent en jeu l'imagination et dont le pouvoir de suggestion dépasse ce qui est montré. Il compare le roman de Richardson à la peinture, il érotise la scène de la mort de Clarisse. La mention du regard impossible ou interdit s'accompagne de l'indication inverse et complémentaire: l'irrépressible désir de voir. Le summum d'un art se situe dans le dépassement de ses ressources et l'empiètement sur l'art voisin. Affadissement des mœurs, épuisement de l'art : progrès comme perte de l'énergie primitive. Les effets de la peinture sont plus restreints que ceux de la poésie. [...]
[...] Le sublime: Diderot admire les scènes de martyr, il chante un certain génie du christianisme. Un lien obscur mène de l'indignation du militant anticlérical, à l'admiration de l'esthète. La mise en scène de sujets atroces dans les beaux-arts a un but militant invitant à la tolérance. De telles scènes ont une construction triangulaire: le bourreau impose la souffrance, la victime subit et le comparse observe dans la position de celui qui observe le tableau. Le troisième pôle ayant une fonction de médiation et d'intensification: transition entre le réel et la fiction qui augmente le pathétique de la scène. [...]
[...] Le propre de l'art est de dire et d'évincer adroitement les contradictions du désir. Diderot en a confié l'explication au rêve ( cf. Le rêve de d'Alembert). Salons de 1767 : thème du sacrifice est récurrent, reprise du passage de l'Iliade. Sublimation de la scène (oxymores), le simplement horrible se change en horriblement beau. Cet art qui fixe l'œil de l'imagination, consiste à jouer sur les limites de la représentation. L'héroïsme se mêle au plus bas, le sublime au grotesque et le grandiose à l'obscène. [...]
[...] - Une nouvelle définition de l'esthétique comme énergie et création. Le dispositif du voyeurisme engage une dramaturgie de la peinture. Diderot veut surprendre la scène et être surpris par elle, soit que les protagonistes soient seuls, soit que les témoins soient entraînés malgré eux par un spectacle qui les agresse et les révulse. Diderot amorce une histoire de l'œil qui va hanter la modernité. Son paradoxe consiste à entraîner l'art des formes et des couleurs dans un vertige, à lui faire suggérer ce qui passe et dépasse le regard. [...]
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