« La démocratie est le nom pompeux de quelque chose qui n'existe pas » a écrit Giovanni Sartori. Mais qu'est-ce donc que la démocratie ? Selon Yves Mény, c'est « à la fois un système normatif de valeurs et un mode, spécifié dans l'espace et le temps, d'organisation, du pouvoir politique ». La démocratie repose donc sur l'éthique, mais aujourd'hui il est nécessaire que le politique parte à la reconquête de ce monde perdu. En dépit des apparences, la corruption règne toujours en France. Elle a seulement muté : elle prend désormais plus volontiers la forme d'une négociation rendant licite l'illicite. La fine perversité de la corruption est qu'elle respecte la loi sur la forme. La corruption est ainsi rendue possible dans notre pays par l'extrême concentration du pouvoir, la faible visibilité des transactions, le caractère chétif du pluralisme social et politique. Cependant, ni les élites ni le peuple n'accordent grand crédit à cette dérive. La question de la corruption est savamment ignorée, sauf peut être par la loi limitant le cumul des mandats.
[...] Le propos de l'auteur est donc à multiple facettes, et malgré peut- être un esprit partisan trop poussé, demeure une étude complète et intéressante de ce phénomène. [...]
[...] Du point de vue des économistes utilitaristes, la corruption permet aux acteurs de maximiser leurs intérêts compte tenu des risques. Les utilitaristes proposent comme solution soit la suppression du contrôle de l'Etat, soit la légalisation de la corruption. Suivant leur logique, la corruption se généralisera en France, mais ils ne tiennent pas compte du poids de l'éthique personnelle du fonctionnaire dans leur analyse. On peut aussi voir dans la corruption un moyen d'intégration des minorités qui jusque-là étaient écartées du cercle du pouvoir ou des droits Dans tous les cas, l'existence de la corruption est la traduction d'un malaise social et politique : affaissement des valeurs, apparition de conflits de valeurs mais également la preuve du manque d'efficacité du système. [...]
[...] Cependant, il y a un fossé entre la règle et la pratique. Par sa généralité, son abstraction et son universalisme, la règle devient difficilement applicable à la multiplicité et à la complexité des situations particulières. Ainsi embourbés dans une règle inadaptée à la réalité, des hommes, des institutions, s'en sortent par des stratégies de contournement, d'arrangement et d'exception à la règle. Mais ces bricolages solutionnent les problèmes ponctuellement et empêchent de traiter le problème de fond, à savoir le clientélisme. [...]
[...] La patrimonialisation fait co- exister des règles publiques protectrices et des comportements privés protégés, étrangers aux valeurs affichées du système politico- administratif. Les offices trouvent leur origine sous l'Ancien Régime. Ils consistaient à céder l'office au prédécesseur, et instauraient donc une situation de monopole. Ils sont toujours effectifs dans des professions telles que celles de commissaire priseur ou d'agent de change. La frontière public- privé est, là encore plus que floue. Et il en est de même concernant les intéressements attribués au fonctionnaires. [...]
[...] La corruption est le symptôme de l'affaissement du mythe démocratique. CONCLUSION : Quels profonds troubles sont à l'origine de cette corruption endémique ? Le faible attrait pour le pluralisme, des institutions insuffisamment équilibrées et diversifiées, l'étroitesse du groupe dirigeant, le règne de la valeur efficacité et l'oubli progressif des valeurs. La revalorisation des valeurs, essentielle pour réduire ce phénomène, passerait par un questionnement sur les liens entre éthique et politique. Suit-on l'avis de Kant qui prêche la supériorité de la morale sur la politique ou celui d'Hegel qui prône l'inverse, l'Etat étant porteur en lui-même d'une morale supérieure ? [...]
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