Cette scène est la troisième scène de déclaration d'amour après celle d'Adraste et de Matamore. Ces trois scènes se succèdent de façon juxtaposée, sans qu'il y ait de lien (ou d'intrigue) entre elles. C'est une construction qui fait que ces 3 scènes sont autonomes et présente de façon non conventionnelle, surprenante (disons baroque), les différents prétendants d'Isabelle. En fait, Isabelle a repoussé la déclaration d'Adraste empreinte de préciosité et de muflerie ; elle a feint d'accepter celle héroï-comique de Matamore dont elle s'est amusée ; mais au cours de la troisième c'est elle qui prend l'initiative de déclarer son amour à Clindor (...)
[...] Et les personnages passent sans cesse de l'espoir au désespoir au gré de la roue de la Fortune le hasard dont on sait qu'il est une image privilégiée de la pensée baroque ( par exemple en Acte IV : Isabelle se désespère de l'annonce imminente de la mort de Clindor, mais Lyse, prise de remords, vient lui révéler l'évasion possible de Clindor qu'elle a combinée avec le geôlier . Comme l'écrit un spécialiste du baroque, J. Rousset le héros va de surprise en surprise . [...]
[...] que je n'ai plus de cœur ni d'âme que pour elle Et de surcroît il ramène les choses à lui et s'apprête à raconter sa vie : Que ma vie . (maladresse). Isabelle : Épargnez ces propos superflus Elle s'exprime avec des mots simples, directs, sans ambiguïté que résume la formule . en un mot je vous aime Ainsi la vraie déclaration d'amour revient à Isabelle. Elle rompt la réserve qu'elle devrait respecter, elle est en désaccord avec le code de l'amour : c'est une jeune femme moderne, libre d'exprimer ses désirs. [...]
[...] Elle est résolue et même héroïque (voir Acte III scène face à son père). Clindor : dans la confusion des sentiments qu'il est incapable d'exprimer avec bonheur et spontanéité est opportunément interrompu par l'arrivée importune d'Adraste . En conclusion, on peut presque dire qu'Isabelle est décidée à la place de Clindor, que son amour s'apparente à un coup de foudre, et que Clindor, embarrassé de conventions apparaît peu à la hauteur de l'enjeu et bien maladroit. [...]
[...] Par ailleurs, on peut constater que Clindor, lui, restera sur toute la scène avec une éloquence en Clindor : S'en tient à une énumération de clichés du vocabulaire galant, inadapté en la circonstance, peu en phase avec les attentes d'Isabelle. Et sa déclaration semble peu sincère, artificielle : enhardira mes feux . si propice à mes vœux ( à sa décharge, les lois de la galanterie au XVIIe siècle, mais style inutilement grandiloquent, enflure, pompeux). Isabelle : Malicieuse, l'invite à se livrer en passant outre ces conventions. Comme on dit familièrement j'attends avec impatience que vous me contiez fleurette autrement dit comment allez-vous me dire que vous m'aimez ! [...]
[...] Isabelle symbolise toujours la jeune femme amoureuse mais Corneille lui a donné une épaisseur psychologique et un caractère plus affirmé. Face aux insistances déplorables d'Adraste, elle est directe, voire cassante ; face à Matamore elle est vive, malicieuse, ironique ; face à son père qui veut la marier à Adraste, elle fera preuve d'émancipation, de détermination mais aussi de stratégie et d'efficacité, et en fin de compte c'est elle qui aura le dessus ; avec Clindor elle n'écoute que son cœur. [...]
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