Comment la mort est-elle représentée dans les Contes de Perrault et ses illustrations par Doré ?

Résumé du document

Si les contes, et particulièrement les contes de fées, sont de brefs récits de fiction dont la crédibilité et la réalité importent peu, ils n'en restent pas moins axés sur des thématiques très humaines : de Grisélidis au Petit Poucet en passant par Le chat botté, les Contes de Charles Perrault se nourrissent des problématiques posées à l'homme tout au long de sa vie, telles que l'amour, la vertu, l'injustice, l'ascension sociale, etc. La mort est ainsi omniprésente, parfois même accompagnée d'un mariage, en bref d'éléments constitutifs par excellence de la trajectoire existentielle de l'homme (...)

Extraits

[...] Mais comment la mort est-elle représentée dans les Contes de Perrault et ses illustrations par Doré ? Au vu de la structure temporelle précise et récurrente des contes dégagée par Vladimir Propp, nous verrons que la mort peut autant être représentée comme un élément initial portant à conséquences que comme une des épreuves subie par les personnages avant de pouvoir vivre heureux ; enfin, au même titre qu'un mariage, la mort peut être figure d'un dénouement, d'une transfiguration selon le schéma du conte donné par Propp. [...]

[...] Dans le Petit Poucet, la mort, constamment menaçante, agit en somme comme une exhortation à la survie, elle exacerbe l'instinct de survie. La Belle au bois dormant, débutée par la thématique de la mort, n'en est pas privée dans le reste du récit : la mère du prince venu délivrer la princesse de son sommeil centenaire se révèle être une ogresse menaçante pour sa belle-fille et ses petits-enfants lors de l'absence de son fils. Cette péripétie est entièrement gouvernée par la thématique de la mort puisque, pour répondre aux horribles désirs cannibales de l'ogresse, il faut au Maître d'Hôtel substituer aux enfants et à la reine des animaux, et cacher la famille dans la basse-cour, la laissant passer pour morte. [...]

[...] Ainsi, la mort est fréquemment utilisée comme élément porteur de conséquences au sein d'une situation d'initiale. Sans doute le cas le plus flagrant est-il celui du conte de Peau d'âne : le plus grand [roi] qui fut sur la Terre vit un tendre et chaste Hyménée avec sa tendre épouse jusqu'à la mort de celle-ci, mort qui brise l'équilibre du bonheur familial puisqu'il fait naître chez le roi un incestueux désir pour sa propre fille. Cet événement force Peau d'âne à l'exil et l'amène jusqu'à son mariage avec un prince et à l'oubli paternel du désir incestueux. [...]

[...] Le cas du Chat botté est également significatif : au sein des péripéties, la mort réside successivement sous forme de menace et de ruse ; menace pour le cadet qui se croit encore lésé par l'héritage et qui déplore : lorsque j'aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim ; ruse lors du simulacre de noyade du maître et de la dévoration de l'ogre par le chat : après avoir été représentée comme menace, la situation se renverse et la mort devient complice ressource paradoxale pour lui échapper. Le Petit Poucet se situe également sur cette lignée : la mort est omniprésente, menaçante, et il s'agit d'y échapper par la ruse. Cette constante oppression macabre est représentée par Doré dans ses illustrations du conte : les scènes situées dans la forêt confèrent à cette dernière une forte dimension comminatoire et l'on devine que, livrés à eux-mêmes dans son enceinte, les enfants ne peuvent que rencontrer la mort. [...]

[...] Toutefois, il n'est pas certain qu'une présence prolongée du père aurait totalement exclu cette préférence mais la cadette aurait certainement trouvé en lui un soutien puisque l' on aime naturellement son semblable La mort joue donc souvent un rôle moteur dans la situation initiale : elle est rupture et créatrice d'inégalités, d'injustices. Mais dans les Contes de Perrault, la mort n'est pas seulement représentée au sein de la situation initiale. La mort est également représentée dans les péripéties traversées par les personnages et ainsi, les brides de vie que constituent les contes ne sont pas seulement démarrées par une rupture liée à la mort, mais également alimentées par elle durant les péripéties que vit le héros ou l'héroïne. [...]