Le sujet, de nature analytique, renvoie à une problématique souvent posée à propos du théâtre : la place privilégiée de la représentation de conflits sous différentes formes et à l'aide de moyens spécifiques, propres au texte dramatique comme à sa mise en scène. Il s'agira donc de dégager les raisons inhérentes au genre théâtral qui justifient cette prépondérance, puis de réfléchir aux liens entre le texte et sa représentation qui fait souvent ressortir la force ou la violence des antagonismes (...)
[...] On analysera par exemple les jeux d'ombre et de lumière dans les mises en scène de Phèdre présentées dans le dossier images : celle de Luc Bondy représente en arrière-plan la mer et le ciel d'un bleu lumineux, alors que le corps de la comédienne est à moitié plongé dans l'ombre, celle du palais où se joue la tragédie. Dans celle de J.-L. Martinelli, l'ombre de Phèdre projetée sur le mur contraste avec la comédienne tout habillée de blanc comme pour suggérer là encore la dualité intime de l'héroïne. La mise en scène du dénouement de Dom Juan, Brigitte Jaques-Wajeman renforce l'intensité tragique de l'affrontement entre Dom Juan et la statue du Commandeur à l'aide des effets visuels (représentation des flammes à l'arrière-plan) et d'un jeu sur le clair-obscur autour des deux silhouettes. [...]
[...] Certaines pièces, particulièrement polémiques, peuvent elles-mêmes faire l'objet d'une querelle publique ou d'un scandale lors de leur représentation : voir les célèbres polémiques d'ordre littéraire autour du Cid, d'Hernani ou d'Ubu roi, ou encore le retentissement plus politique des Paravents traitant de la guerre d'Algérie en 1966. Ces fameuses querelles ou batailles montrent combien les moyens scéniques de la représentation peuvent intensifier la force et l'impact des conflits en jeu. II. Comment la mise en scène dramatise-t-elle les conflits ? [...]
[...] Quant au théâtre moderne et contemporain, il met souvent en scène l'impossibilité de dénouer un conflit indéfiniment recommencé ou désespérément vain : voir les dernières répliques de Huis Clos de Sartre Et nous sommes ensemble pour toujours Eh bien, continuons. ou l'immobilité des deux personnages qui ont même raté leur suicide par pendaison à la fin d'En attendant Godot de Beckett Le théâtre est un miroir grossissant des différentes formes de conflits humains On peut rendre compte de la plupart des intrigues théâtrales à l'aide d'un schéma actantiel fondé sur une quête, un désir qui anime un ou plusieurs personnages et qui répartit les autres en adjuvants ou opposants du héros, ce qui fait bien ressortir la dimension antagoniste du théâtre. [...]
[...] Les effets sonores, enfin, sont partie prenante de la représentation et peuvent souligner à leur façon la violence des conflits, les heurts entre les personnages : amplification des voix, accompagnement musical, bruitages divers, voix off, etc. Dans sa dernière mise en scène de Dom Juan, Daniel Mesguich superposait audacieusement les époques et les références en faisant entendre en voix off l'enregistrement d'un discours d'Hitler à la fin de la scène avec Monsieur Dimanche comme pour signifier les virtualités persécutrices du personnage de Molière. [...]
[...] Dans la mise en scène du Mariage de Figaro par Colette Roumanoff le comte Almaviva porte des couleurs similaires à celles du costume de Chérubin caché derrière le fauteuil, comme si ces deux personnages rivaux et ennemis étaient le double l'un de l'autre. Les décors et les accessoires permettent également de concrétiser les affrontements : dans Art, de Yasmina Reza, un grand tableau blanc trônant au milieu d'un salon bourgeois va générer de violentes querelles entre amis. Le décor d'Ubu roi, dans la mise en scène de Bernard Sobel représentait une gigantesque main blanche, symbole de la manipulation politique qui rappelait aussi les monumentales statues des dictateurs modernes. [...]
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