'Selon George Corm, deux symboliques se dégagent particulièrement des images qu'ont suscité lu 11 septembre : d'abord, l'idée d'une dualité du monde opposant « civilisation » et « barbarie », respectivement incarnées par l'Occident et l'Orient ; puis, l'idée de décadence que connaîtrait l'Occident, architecte du monde, constamment menacé par la « barbarie » de l'Orient. Cette dualité du monde, principe fondamental de la fracture, se retrouverait à toutes les échelles de la culture occidentale, que cela soit dans les romans policiers ou dans les discours politiques. Elle trouverait elle-même ses fondements dans une réinterprétation politique de la morale religieuse opposant le Bien, l'Occident menacé, au Mal, l'Orient barbare et archaïque.'
Introduction ? Qu'est-ce que la « fracture imaginaire » ? ? Les
symboliques des images du 11-septembre
I) Aux racines de la fracture imaginaire : de l'argument historique à la justification rationnelle de la domination de l'Occident
II) Les moteurs de la fracture : de l'« occidentalisation » à la
stigmatisation de l'islam
III) Comment dépasser la « fracture imaginaire » ? : Des faux remèdes de la globalisation économique au retour de la pensée des Lumières
Conclusion critique ? Vers une sécularisation de l'islam ?
[...] Pourtant, comme l'affirme Corm de manière virulente, les Orientaux ne disposent en aucun cas du monopole de la pureté et de l'austérité et l'islam n'a de surcroît jamais connu qu'un pouvoir civil. Autrement dit, cette célébration de l'identitaire ne relève encore une fois que d'idées reçues et déformées. Elle constitue plus une volonté irrationnelle de retour vers un passé plus glorieux qui aurait été ruiné par la colonisation occidentale. Pour Corm, il faut voir dans l'attrait actuel pour les mises en scènes identitaires le résultat des évolutions géopolitiques et stratégiques de la dernière phase de la lutte contre le communisme, et non pas uniquement le simple souhait d'un retour aux sources. [...]
[...] C'est en réaction à l'Occident que se forme dans l'Orient arabe la dichotomie opposant les tenants de la tradition à ceux de la modernité. Les premiers, majoritairement représentés par la dynastie saoudo-wahhabite revendiquent un retour à l'âge d'or de l'islam, âge où la pureté de la religion n'était pas encore souillée par les influences étrangères, qu'elles soient perses, ottomanes ou occidentales. Les seconds, penseurs et héritiers de la nahda, revendiquent une modernisation de l'islam et de la langue arabe qui permettrait l'émergence d'un Etat-nation arabe réformiste Pourtant, l'Occident soutiendra majoritairement les premiers, les Britanniques s'appuyant en partie sur les wahhabites pour mener la révolution arabe en 1916, les Américains concluant une alliance stratégique avec l'Arabie saoudite après 1945 garantissant l'hégémonie de celle-ci sur l'ensemble de la péninsule arabique. [...]
[...] Il présente l'œuvre des linguistes européens qui ont façonné la carte des langues à partir d'une division opposant peuples sémitiques et peuples indo-européens : les langues indoeuropéennes appartiendraient au groupe ethnique aryen, alors que les langues sémitiques seraient celles des groupes ethniques de l'Orient ancien : langues, structure mentale et races sont censées coïncider La filiation à la civilisation indo-européenne, supérieure par la langue, la structure mentale et la race de l'Occident lui a permis d'affirmer sa supériorité sur le reste du monde : c'est l'appartenance à la race aryenne qui a donné au christianisme occidental tout son dynamisme alors que l'Orient semble plongé dans la torpeur suite à la création du monothéisme. Ainsi, cette distinction permet à l'Occident de se détacher mythologiquement de l'Orient. [...]
[...] Après avoir précisé ce problème de définition, il reste à savoir si la laïcité à la française peut être appliquée à l'islam. Nous avons précédemment vu avec l'analyse de Ferjani que l'islam ne détenait pas dans son Livre saint et ses faits fondateurs le fondement d'une imbrication intemporelle du politique et du religieux. Par ailleurs, Corm avance dans La Fracture imaginaire que l'islam se veut une religion laïque en ce qu'il ne dispose pas d'autorité religieuse propre : il n'existe pas en islam d'intermédiaires entre Dieu et le croyant. [...]
[...] Selon Corm, ce qui nourrit actuellement le plus la fracture imaginaire est la diffusion d'une fausse laïcité occidentale imprégnée d'archétypes religieux et bibliques. Les penseurs de l'Occident revendiquent effectivement la différence de celui-ci par ses principes fondamentaux issus de la philosophie des Lumières dont la laïcité, mais ils les justifient par un recours au génie du christianisme L'Occident aurait dépassé son fondement gréco-romain, classique et laïc, pour retrouver ses racines judéo-chrétiennes. Ainsi, pour Corm, il faut laïciser la laïcité c'est-à-dire l'émanciper de ces archétypes religieux qui l'imprègnent, car seule la véritable sécularisation permet le retour de l'esprit critique des Lumières et du progrès en vertu de la théorie de la quête inachevée de Karl Popper. [...]
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