Commentaire du sonnet LXV extrait des "Sonnets pour Hélène" écrit par Pierre de Ronsard. Comment Ronsard procède-t'il pour faire ressentir au lecteur la force de son dépit amoureux et pour rendre sensible la distance qui le sépare de l'objet de son désir ?
[...] Pendant ce temps, notre pauvre poète laisse son corps partir en morceaux : il perd à chaque marche et le pouls et l'haleine il a la sueur au front et l'estomac «pantois A quoi aboutit cette souffrance physique ? Au dédain de la belle, qui ne condescend même pas a jeter un regard sur ces efforts méritoires. La hauteur de la suivante de la reine n'est pas seulement physique, elle est aussi morale, d'où l'emploi de l'adjectif hautaine au vers qui prépare la métaphore de la femme-déesse : seule une déesse peut se permettre de considérer ces pauvres êtres humains avec la suffisance qu'autorise la perfection. [...]
[...] Mais la jeune femme, peut-être encore trop marquée par son deuil récent, ne répond pas comme il l'espérait à ses attentions. Le poème dont il est question ici laisse poindre le sentiment de déception du poète face a l'attitude de la belle. Comment Ronsard procède-t- il pour faire ressentir au lecteur la force de son dépit amoureux et pour rendre sensible la distance qui le sépare de l'objet de son désir ? C'est ce que nous verrons en analysant le jeu d'opposition sur lequel est bâti le poème, puis en recherchant de quelle façon l'auteur met en scène sa souffrance. [...]
[...] Par un jeu d'oppositions spatiales, matérielles et morales, Ronsard parvient a nous rendre sensible, presque tangible, sa souffrance face à l'attitude dédaigneuse de la hautaine Hélène. Le poète peut nous laisser croire qu'il renonce à accéder à cette femme déifiée, mais, habilement, son insistance sur son statut de déesse crée le doute : et si c'était elle qui devait revenir à une attitude plus humble et plus raisonnable, descendre ces pénibles marches, et ainsi retrouver sa véritable nature de femme faite de chair ? [...]
[...] Aussi, paradoxalement, le renoncement apparent du poète à accéder aux fruits de ses efforts et l'acceptation du statut divin et inaccessible de a jeune femme, en un mot, sa digne résignation, exprimés dans le dernier tercet, correspondent-ils peut-être au contraire a une invite à la belle Hélène à descendre de son Olympe. Comment ne pas être tenté en effet d'interpréter ainsi la chute ? Ainsi les hommes font a Jupiter prière:/Les hommes sont en terre, et Jupiter aux cieux. Ou Hélène se situ- t-elle dans l'antithèse finale ? Est-elle Jupiter ? [...]
[...] Ainsi, conservant malgré ses souffrances sa dignité, le poète ne renonce-t-il pas à rendre son hommage, en l'appuyant même davantage, puisque la jeune femme se retrouve flatteusement placée sur le trône d'une déesse. En conclure que l'image d'Hélène-la-déesse s'en trouve magnifiée serait cependant aller trop vite en besogne ; adroitement, le poète termine le sonnet en sauvant les apparences : le jeune femme ne peut pas lui reprocher de la placer aussi haut dans son panthéon Mais, dans le cœur du poème, Ronsard, sans le dire explicitement, insiste surtout sur l'injustice du sort qui lui a été réservé. [...]
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