Commentaire composé du monologue d'Oreste de l'Acte V scène 4 d'Andromaque de Racine. Par amour et conduit par les ordres d'Hermione, le jeune ambassadeur va tuer Pyrrhus, mais au lieu de recevoir la main de la jeune femme, il va se faire répudier comme un vulgaire laquais. C'est alors qu'Oreste va se remettre en question et s'interroger. Il va lentement sombrer vers la folie...
[...] Le choc immense que vient de subir Oreste se présente dans les alexandrins d'ouverture du monologue : en quatre vers, six questions qui toutes expriment l'incrédulité du héros devant le comportement d'Hermione. Réaction logique, puisqu'il venait chercher la récompense promise et qu'il n'a reçu que des accusations haineuses ; réaction tumultueuse, immédiate, propre à capter l'intérêt du public tout en donnant au personnage le temps nécessaire pour reprendre ses esprits. On ne s'étonnera donc pas qu'après cet exorde, le monologue enchaîne le plan traditionnel du discours. [...]
[...] récapitule en une longue phrase de six vers l'ensemble des actions d'Oreste. La confirmation, après la question Pour qui? (vers 1575), s'élance dans des exclamations qui souligne l'ingratitude d'Hermione ; et la péroraison, concentrée sur les deux derniers vers fortement liés par enjambement, présente un bilan indigné. Si la raison est la faculté de réfléchir et d'organiser ses pensées, l'organisation rhétorique de ce monologue donne bien un cadre au débordement de parole d'Oreste, le canalise, et facilite l'exercice de la lucidité. [...]
[...] En ce qui concerne maintenant les exclamatives, elles ouvrent l'ensemble de la confirmation et de la péroraison, mais de façon très irrégulière, ce qui contribue encore à une segmentation presque anarchique : on va du plus bref («Elle l'aime au débordement final sur deux vers enjambés (24 syllabes), en passant par l'arrêt d'une accumulation de relative en plein milieu de vers : qui je le promet/ Qui [ ] ne me verra jamais/ Dont j'épouse la rage ! Et, quand au passage de récapitulation déclarative, les énumérations y sont également très ponctuées de virgules. On peut donc conclure que cette métrique bouleversée dans un discours lui- même structuré est la meilleure image de la raison déjà minée par la déraison. Mais la folie d'Oreste se manifeste également par un véritable sentiment d'aliénation. [...]
[...] Incohérence, folie peut être qui lui fait réclamer et le sang et la vie d'un mort (1579). Mais ce réquisitoire contient évidemment à contrario un auto plaidoyer. Déjà, le doute exprimé par si je l'en crois gardait de la distance face aux accusations de traître et d'assassin Maintenant, le combat entre passion et raison qui a torturé Oreste éclate avec le chiasme : j'étouffe cœur raison éclaire (1569) ; de même qu'éclate l'écartèlement entre ses principes et ses actes avec l'antithèse j'assassine un roi que je révère antithèse qui va jusqu'au paradoxe. [...]
[...] D'où, aux trois questions initiales sur l'identité de cette inconnue Est-ce Hermione ? Pour qui coule le sang ? Pour qui ? une réponse qui est à la fois révélatrice et accusatrice : Pour une ingrate (1575). Le discours se charge alors d'éléments de réquisitoire contre l'instigatrice de la faute. Duplicité, car par chantage insinuant (que souligne les allitérations en m elle lui a fait croire qu'elle haïssait Pyrrhus : Qui même, s'il ne meurt, ne me verra jamais (1576). [...]
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