Commentaire composé portant sur le poème Nuit rhénane de Guillaume Apollinaire. Nuit rhénane évoque un univers trouble et suggestif, riche d'émotions mêlées. A la confusion des désirs, répond la confusion des émotions : La chanson festive résonne comme un râle, et l'éclat de rire final évoque moins la joie que la rupture et la perte.
[...] Au charme vénéneux des fées nocturnes, symboles d'illusion, le poète oppose la camaraderie, et l'innocence de blondes virginales. Mais son âme reste partagée, comme s'il ne pouvait résister complètement à la séduction trouble de ces créatures de rêve Nuit rhénane est un petit chef d'œuvre. Sous l'apparente simplicité du style, se cache un réseau d'images et de mythes étroitement entrelacés, comme ces cheveux verts et tordus ou ces nattes tressées dont parle le poète. Par l'alchimie poétique, Apollinaire transmue le souvenir d'une nuit d'ivresse estivale au bord du Rhin, en un chant magique et étrange, puissamment évocateur. [...]
[...] Elles représentent l'antidote au poison de l'illusion et du rêve. Cependant le poème garde son ambiguïté jusqu'à la fin, et l'on ne peut savoir ce qui l'emporte, de la féminité fantasmatique et inquiétante ou de la féminité chaste et apaisante. Le poète lui-même est tiraillé entre des désirs contradictoires : il demande d'abord à ses compagnons d'écouter la chanson du batelier, puis de l'aider à ne plus l'entendre. A la confusion des désirs, répond la confusion des émotions : La chanson festive résonne comme un râle, et l'éclat de rire final évoque moins la joie que la rupture et la perte : Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire Cette ambivalence est à mettre en rapport avec le trouble de l'ivresse (suggérée dès le premier vers par le verre plein et que la présence de vignes dans le paysage confirme peut-être), trouble qui s'étend à tout le cadre spatio-temporel. [...]
[...] Ces créatures étranges sont-elles des fées, comme le dit le poème, ou des sorcières, comme le laisse penser leur présence sous la lune, ou encore des sirènes, comme leur chevelure aquatique le suggère ? . Rappelons que dans la mythologie gréco-romaine, les sirènes attiraient par leur voix sublimes les marins sur les récifs, puis les dévoraient. Il n'y a pas de naufrage dans Nuit rhénane (quoique l'alcoolisme en soit un mais certains mots suggèrent le désarroi, la chute et la perte : trembleur, tremblant, tombe, brisé. [...]
[...] Nuit rhénane évoque un univers trouble et suggestif, riche d'émotions mêlées. Nous examinerons d'abord l'envoûtement mortifère, puis la manière dont le poète tente de briser le charme pour retourner au réel, et enfin l'ambiguïté fondamentale du poème. La progression du poème est celle d'un envoûtement inquiétant. Ce qui apparaît au tout début du poème comme la chanson pittoresque d'un batelier, se révèle très vite être beaucoup plus que cela : un chant incantatoire, un charme maléfique qui provoque la fascination et la crainte. [...]
[...] Comme les sirènes mythologiques, ces fées aux cheveux verts ne sont peut-être qu'un leurre, un appât séduisant et mortel. Au charme trouble, subtilement sensuel, de ces sept créatures énigmatiques le poète oppose dans la deuxième strophe une résistance et un refus : Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n'entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées Pour échapper au charme délétère des fées-sirènes, le poète fait appel à la verticalité debout plus haut et à la ronde de l'amitié, enceinte protectrice où le poète cherche refuge. [...]
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