Commentaire composé d'un extrait de « Manon Lescaut », de Prévost. L'extrait relate la mort de Manon allant de « Je demeurais » à « sentiment qui me restait ».
[...] CONCLUSION Episode le plus bouleversant du roman, pour autant évite tout excès du larmoyant ; pathos et sensualité morbide émanent de l'épisode. La mort de Manon est pathétique, symbolique. Les personnages sont attirés vers le bas, comme s'il n'y avait pas de rachat possible. Toutefois, ce récit transfigure la mort par le phénomène de mémoire : le chevalier relate cet épisode et évite à sa Manon se sombrer dans l'oubli, le néant. En plus, parallèle avec le livre qui s'achève sur ceci. La mémoire du livre sauve du néant de l'oubli. [...]
[...] Il meurt à Manon, à sa vie, à lui-même quand il brise son épée, cad le symbole de son honneur. On lui refuse la mort cad le repos, l'expiation, doit vivre avec cette perte, sorte de punition céleste. C'est là que le roman se transfigure en roman moral influencé par le jansénisme, même s'il côtoie un certain sensualisme. [ Passions pas toujours bonnes pour jansénistes cf l'issue tragique de Manon qui meurt toutefois repentante et donc sorte de phénomène de grâce parcourt l'épisode. [...]
[...] Le corps est périssable, comme toute l'imagerie mortuaire qui accompagne sa sépulture le démontre. Une lourdeur symbolique imprègne le mouvement, il n'y a aucun mouvement d'élévation : Des Grieux éprouve même des difficultés à se lever. Cette attirance vers le bas, cette gravité, est un appel du néant, je formais la résolution de l'enterrer et d'attendre la mort sur sa fosse : tout est signe d'anéantissement comme si l'ascension au ciel était refusé : j'eus besoin de quantité d'efforts pour me tenir debout l'affaiblissement Pour autant, cette pesanteur qui parcourt le texte, cette préparation à un triste office n'est pas dénuée de sensualité comme les images corporelles et la gestuelle de Des Grieux le montrent. [...]
[...] : magnétisme de Manon, le chevalier est à ses pieds, comme prosterné devant une divinité. 3e mouvement : une impossible fusion Le dernier mouvement traduit une tentative de fusion des deux corps : je me couchais sur la fosse, le visage tourné vers le sable ; et fermant les yeux avec le dessein de ne les ouvrir jamais Des Grieux aspire à rejoindre Manon, j'attendis la mort avec impatience Cette scène est un symbole érotique et mystique. Des Grieux, est couché sur la fosse, c'est un orgasme impossible et mystique, face contre terre. [...]
[...] Une sensualité morbide parcourt le mouvement. Le discours est hypertrophié dès l'ouverture : on note l'exagération temporelle je demeurais plus de vingt-quatre heures, la bouche attachée sur le visage La densité temporelle renvoie ici à la densité émotionnelle de cette scène. La description doit toucher, sensibiliser le lecteur à la destinée de ce malheureux couple poursuivi par le funeste. Une mort comme omniprésente soulignée par le champ lexical du funeste : mourir trépas pâture mort fosse fin Le corps de Manon est exploré par Prévost dans la lignée des philosophes sensualistes comme Locke : cf champ lexical de la corporéité : visage main bouche corps Une notion matérielle encore rare en ce début de XVIIIe siècle. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture