« Dans ce livre atroce, déclare Baudelaire en parlant des Fleurs du Mal, j'ai mis toute ma pensée, tout mon cœur, toute ma religion (travestie), toute ma haine ». Remarque peu commune en parlant de son propre œuvre, pourtant, c'est là tout l'esprit du Spleen et tout le caractère exceptionnel de Baudelaire qui se trouve définit. Dernier poème de la section « Spleen et idéal » de ce recueil, l'Horloge est le reflet même de tous ces aspects de lui-même que Baudelaire a voulu exprimer. On y sent une certaine convulsion qui fait toute la force du poème. C'est une obsession passionnelle pour le temps insaisissable et fuyant, qui s'exprime à travers un univers hallucinatoire...
[...] Et le lecteur lui-même les entend, ces battements que traduit le rythme du vers très saccadé par quatre monosyllabes. C'est une véritable obsession en effet. On sent le poète fixer toute son attention. Il décortique le temps, la Seconde v les minutes v15), et en analyse les élément avec un acharnement qui semble tenir de la haine. C'est une haine contre ce temps que l'homme est condamné à chérir car il est son bien le plus cher mais qui aussi le détruit et annonce sa fin. [...]
[...] D'ailleurs, la présentation de cet univers reflète tout à fait l'attitude de Baudelaire face à la religion. Il s'agit ici d'une exhortation mais celle-ci est bien différente de l'exhortation chrétienne car le pardon est impossible, il n'y a aucun espoir de rachat, aucun espoir de retour et de correction. Le Repentir même (oh ! La dernière auberge celui qu'on aurait cru pouvoir toujours retrouver à ses côtés, bienveillant, rejoint le reste pour dire qu'il est trop tard ! Le dieu chrétien cède la place au dieu sinistre du temps. [...]
[...] Ainsi, le temps devient ici une obsession, le temps qui donne l'impression de submerger, d'engloutir l'homme. L'image du temps omniprésent et par cela même obsédant se manifeste a travers l'anaphore souviens toi Le temps prend soin pour qu'on ne puisse jamais l'oublier. Baudelaire insiste avec force sur les unités si petites soient- elles qui composent ce temps. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde/ Chuchote v 9-10 précise-t-il et lorsque Baudelaire écrit trois mille six cents fois par heure au lieu de trois cents soixante, l'exagération est volontaire. [...]
[...] L'homme qui a aucun moment de peut intervenir est dominé alors qu'il s'agit de sa vie. En ce sens, la dernière strophe fait apparaître une sorte de ligue contre l'être humain qui se retrouve isolé face à tout ce qu'il a cru être de son côté, et à sa gloire de son vivant. Cet aspect est renforcé par l'anaphorique qui créer en début des trois derniers vers un effet d'accumulation : l'énumération du divin Hasard de l'«auguste Vertu et de Repentir même se rejoint dans le dernier vers sous une forme amplifiée tout te dira Finalement on se rend compte que l'homme englouti par le temps se trouve devant celui-ci comme devant un tribunal attendant sa condamnation, condamnation qui de toute façon sera clos par la mort. [...]
[...] C'est ainsi que se manifeste le sentiment de l'incapacité devant un phénomène qu'on ne contrôle pas. Le temps passe et bien plus encore, plus on essaie de l'arrêter et plus il accélère, il fuit. Le poème exprime des futurs proches bientôt v tantôt v 21, et son rythme très intense, saccadé par une ponctuation forte, (comme le vers 17, entrecoupé de deux virgule, ou le vers 13 qui contient trois points d'exclamation et une virgule). D'où la dureté des qualificatifs de l'horloge qui pour Baudelaire apparaît sinistre, effrayant, impassible termes dont la portée est amplifiée par le rythme ternaire que produit leur succession en fin de vers. [...]
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