Commentaire composé portant sur l'incipit d'<em>Enfance</em> de Nathalie Sarraute. Elle est l'une des pionnières du nouveau roman. En 1956, elle écrit un ouvrage qui joue le rôle du manifeste du nouveau roman, à savoir l'ère du soupçon. Le nouveau roman est un courant littéraire qui se donne comme but de renouveler le genre romanesque par un certain nombre de refus (refus de la vraisemblance, refus de l'intrigue qui cesse d'être au centre du roman, refus des personnages monolithiques). En 1983, Sarraute publie pourtant son autobiographie, <em>Enfance</em>. Son autobiographie n'est pas conformiste. Le récit est discontinu, le narrateur est dédoublé, les personnages semblent insaisissables et contradictoires. Le dialogue entre elle-même et sa conscience fait apparaître les problèmes de l'écrivain dans son projet autobiographique.
[...] Ecrire son autobiographie, c'est être infidèle aux textes antérieurs, c'est en quelque sortes démissionner. Elle parle à la ligne 17 de se ranger Le narrateur principal est ainsi "tenté" par l'évocation des souvenirs d'enfance et se défend d'abandonner l'esthétique qu'il a adoptée dans ses précédentes œuvres : Mais justement, ce que je crains, cette fois, c'est que ça ne tremble pas . [ . ] (Ligne Rassure-toi pour ce qui est d'être donné . [ . ] je voudrais, avant qu'ils disparaissent . [...]
[...] C'est une voix lucide et instinctive qui se justifie et qui répond à la fois aux questions et aux objections de son double. Ce double, justement, qui est la deuxième voix. Elle est la conscience critique, celle qui non seulement exprime les doutes mais également celle qui met une certaine distance et essaye de faire surgir les non dits. Une entreprise conventionnelle ? Légitimité de l'entreprise Dans les années 80, l'autobiographie est un genre conventionnel car très pratiqué. L'incipit en est par ailleurs un morceau attendu et très souvent codé. [...]
[...] Ses doutes, quant à eux, s'expriment à travers les interrogations. Les hésitations Comme nous venons de le voir, la ponctuation comporte de nombreux points de suspension, marque de l'étonnement du narrateur et de son incapacité à aller au fond de sa pensée. Le doute et les hésitations sont au centre des préoccupations. Nous retrouvons, dans ce sens de nombreux modalisateurs peut-être à la ligne je ne sais pourquoi à la ligne parfois à la ligne 9 L'emploi du conditionnel également met en valeur les doutes de la narratrice est-ce que ce ne serait pas . [...]
[...] Sarraute nous propose ainsi une recherche en mouvement : elle veut s'approcher de quelque chose. Elle veut fixer le souvenir, donner une existence à un passé fragile, morcelé, fuyant. (l43). Ecriture de la quête : Nous l'avons vu, les nombreux points de suspensions utilisés dans cet extrait sont la marque de l'hésitation. Pourtant, ceux-ci expriment la plupart du temps la recherche du mot juste, la recherche du mot exacte qui retranscrira le plus exactement la réalité et nos sentiments. La recherche de l'auteur des termes et des phrases la pousse à retoucher sans cesse ce qu'elle va écrire. [...]
[...] Nathalie Sarraute choisit le tropisme d'une écriture. Elle ne veut raconter que les souvenirs de son enfance allant de sa naissance à ses 15 ans. Souci de la vérité : Eloge de l'insaisissable Sarraute de part ses hésitations et ses doutes semble chercher à faire jaillir la vérité. Elle part à la recherche de quelque chose, elle cherche à cerner quelque chose : tu avances à tâtons Toujours cherchant se dérobe (l28) s'opposant ainsi à la fixité qu'elle redoute. Nous noterons par ailleurs le vocabulaire de la métamorphose : s'échappe se transforme (l25) fluctue (l24). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture