Commentaire composé de la scène 1 de l'Acte II de Bajazet de Racine. Si Bajazet est un coup d'audace de la part de Racine en tant que le sujet est turc et qu'il fait référence à un épisode récent de l'histoire de l'empire Ottoman, Racine n'a en aucun cas rompu avec son esthétique dramatique. Au contraire, il a poussé l'unité de lieu à son extrémité en choisissant le lieu de la tragédie par excellence : le sérail.
[...] Ainsi le chantage de Roxane s'apparente-t-il à une rationalisation de l'amour : Songez-vous que sans moi tout vous devient contraire, que c'est à moi surtout qu'il importe de plaire ? En fait dans cet extrait, il est question de mariage, or, par amour pour Atalide, Bajazet ne peut accepter d'épouser la sultane. Roxane, tout en rappelant à Bajazet qu'il a tout intérêt à l'épouser, et le menaçant, d'abord à demi- mot, de le faire mourir s'il refuse, semble aussi tenter de se rassurer elle-même en se remémorant toutes les raisons pour lesquelles Bajazet ne peut refuser : s'il accepte, il gagne le trône, s'il n'accepte pas, il meurt. [...]
[...] Elle insiste aussi sur le calcule purement égoïste que feint de faire Bajazet : pour vous, pour votre honneur : les pronoms à la 2eme personne révèlent cet égoïsme qui n'a rien d'amoureux ni de passionné. Roxane commence à entrevoir que Bajazet ne l'aime peut- être pas. Donc, après le reproche amer, vient le chantage : du vers 503 à 512 : Roxane lui rappelle que sa vie dépend d'elle et qu'il a donc tout intérêt à lui plaire, et donc à l'aimer Songez-vous que vous ne respirez qu'autant que je vous aime ? [...]
[...] D'abord, la menace invisible mais si présente de sultan est toujours là : l'extérieur du sérail vient encore étouffer un peu plus ce monde confiné puisque son évocation par Roxane est immédiatement associée à la mort : le mot frère rime avec colère et au vers d'après le perfide sang de Bajazet évoque sa mort possible. D'autre part, cette scène est la première de l'acte II. Tout l'acte I s'applique à mettre en place l'intrigue politique et à introduire l'intrigue amoureuse. C'est la première apparition du personnage central Bajazet et son attitude envers Roxane est absolument déterminante pour la mise en route de l'action prévue avec soin par Acomat. Or par sa froideur, l'apparition de Bajazet sonne l'échec définitif du plan d'Acomat. [...]
[...] En effet Bajazet est obliger d'inventer des excuses raisonnables et politiques à son refus de l'épouser afin de ne pas déchaîner sa haine contre lui et Atalide, aussi Roxane voit-elle en Bajazet un grand calculateur Ah ! Je vois tes desseins. Tu crois quoi que je fasse, que mes propres périls t'assurent de ta grâce . Roxane interprète donc mal ici les refus de Bajazet. De plus, dans sa première tirade, Roxane répète 3fois songez-vous si cette formule est là pour instituer le chantage, elle témoigne peut-être aussi de la volonté de Roxane de sonder le cœur de Bajazet, de comprendre pourquoi il refuse de l'épouser alors que tout l(y pousse. [...]
[...] C'est cette situation si tendue qui confère à cette incompréhension fondamentale entre Roxane et Bajazet une dimension si grave et si tragique. Conclusion : Si donc cette scène mime parfaitement les tourments de la passion désespérée faisant de la sultane toute-puissante une prisonnière d'elle- même et de sont pouvoir, elle permet de faire entrevoir au lecteur que Roxane et Bajazet ne peuvent et ne pourront pas ni s'entendre ni se comprendre, en dépit de leurs intérêts. Si le monde extérieur est discrètement menaçant, ce n'est pas de là que viendront les retournements de situation, car chez Racine, l'action n‘est pas modifiée par des mouvements extérieurs mais intérieurs qui sont fonction des passions et des désirs des personnages. [...]
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