Commentaire composé sur le sonnet de Ronsard Comme on voit sur la branche. De quelle manière le poète s'écarte d'un lyrisme doloriste dans la tradition des sonnets de Pétrarque, et offre une réponse plus sereine face à la mort ?
[...] Le poète se déguise en Hercule ou Orphée voulant défier la mort. Et cette mort n'est plus qu'un pont entre la vie physique et la vie esthétique au sein même de la tombe. La fonction encomiastique du poème est ainsi mise au défi par l'impersonnalité de ce tu Le poème ne s'adresse pas à Marie mais à Ronsard lui-même, qui, peut-être, prend conscience du pouvoir de postérité de ses vers face au caractère éphémère de sa propre vie. [...]
[...] Ainsi, les offrandes que constituent les larmes et les pleurs sont changées en lait et en fleurs par un procédé d'équivalences : les larmes le lait introduisent une analogie substantielle, étant deux liquides, et les pleurs et les fleurs forment une équivalence sonore. Les offrandes funèbres sont donc transformés en symboles de vie : le lait suggère le lait maternel nourricier, et les fleurs ancrent de nouveau la femme dans un cadre végétal terrestre. Ces offrandes tendent donc à réinsérer Marie dans un cycle biologique auquel elle appartenait précédemment. En témoigne l'épanadiplose du poème : la femme, rose, meurt, et redevient rose. Ce caractère cyclique imite ainsi le retour des saisons. [...]
[...] Le poème prend donc tout d'abord la forme d'une oraison funèbre. Il se pose alors comme un poème élégiaque, rendant hommage à la femme défunte. Et cet hommage s'effectue au travers d'une comparaison entre la femme et la rose. Le poème s'ouvre sur le terme comparatif comme et se place d'emblée sous le sceau d'équivalences. De plus, le rythme binaire évoque une forme de dualité de la femme, à la fois humaine et fleur. Le poème procède donc à une assimilation de la femme à la rose. [...]
[...] Et la mort est renforcée par la brutalité des sonorités en t et en p consonnes dures et sèches. Ainsi, le poète, contemplateur passif de la beauté de la femme, est, comme elle, victime de sa mort jugée injuste. La Parque t'a tuée montre que la cause de la mort est extérieure, elle s'abat comme un fléau. Le poète, impuissant, n'a que ses larmes et [ses] pleurs pour se consoler. La mort acquiert donc dans ce poème un caractère inéluctable. [...]
[...] La rime intérieure mort corps introduit un chiasme phonique entre les deux hémistiches du vers. De plus, la vie et la mort sont placées au même niveau : Afin que vif et mort La femme est comme condamnée à être elle-même vive et morte éternellement, une rose au fond d'un cercueil. Finalement, cette transfiguration révèle plus un éloge de l'écriture que de la femme, et met en valeur la primauté de l'esthétique face aux sentiments. Car si les vers du poète ont la puissance de ramener à la vie Marie, ce procédé vise plus à préserver la beauté de la femme qu'à créer des liens entre elle et lui. [...]
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