Les souvenirs d'enfance ont une place essentielle dans les oeuvres autobiographiques depuis les Confessions de Jean-Jacques Rousseau au 18ème siècle. C'est aussi ce dont témoigne Colette en 1930 lorsqu'elle écrit Sido, roman consacré à sa mère, qui lui a transmis l'émerveillement devant la nature. Dans un passage de cet ouvrage, l'auteur évoque les promenades qu'elle faisait seule à l'aube et restitue avec lyrisme le contact privilégié qu'elle entretenait avec la nature. C'est pourquoi nous étudierons dans un premier temps les différents aspects de la nature, pour montrer ensuite comment Colette l'associe à une figure maternelle, ce qui nous conduira enfin à interpréter ce passage comme étant une célébration de la création.
[...] La nature est un univers primordial ET poétique, créatrice de poésie. L'image des deux sources se comprend dans cette optique là : elle fait référence aux sources antiques où vont se baigner les muses les muses vectrices d'inspiration. La source qui coule comme un sanglot est porteuse d'inspiration triste, celle qui nourrit les fleurs signale une inspiration plus joyeuse. La gorgée imaginaire que goûte l'auteure en train d'écrire, c'est bien l'inspiration qui guide son récit au moment où elle écrit. [...]
[...] C'est pourquoi Colette, célébrant ainsi cette nature, ne peut manquer d'y associer sa mère qui l'incite à découvrir cette nature originelle : le lyrisme permet alors à l'auteure de célébrer le processus de la création, celle de la nature, celle de sa mère auxquelles répond la création littéraire. La nature et Sido lui ont permis de goûter aux délices simples de l'existence, écrire lui permet de revivre ces instants, de les célébrer, et peut-être de rendre la mort plus douce. [...]
[...] une célébration de la création littéraire : L'évocation lyrique du souvenir tend à prouver combien l'auteur cherche à ressusciter ces moments privilégiés. C'est explicite lorsque Colette, laissant le récit en suspens, exprime tout son plaisir d'écrire : rien qu'à parler d'elles ; ce plaisir propre à l'autobiographe se manifeste aussi dans l'humour délicat avec lequel l'auteure prend ses distances avec la beauté que lui attribuait sa mère : ma mère et mes portraits en ce temps là ne sont pas toujours d'accord Tout se passe comme si la création littéraire était destinée à permettre une saveur des mots et des choses abolissant le temps : la dernière phrase du texte exprime en effet l'espoir permis par l'écriture d'un lien, d'un fil conduisant de l'enfance à la mort, et rendant celle-ci plus douce : Rien qu'à parler d'elles je souhaite que leur saveur m'emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j'emporte avec moi, cette gorgée imaginaire Colette, chef d'œuvre de sa mère ( l crée à son tour une œuvre célébrant l'acte créateur, dans toutes ses dimensions, essentiel au cycle de la vie. [...]
[...] une nature personnifiée : Les éléments naturels sont souvent sujets de verbes d'action : le brouillard baigne chaque membre du corps de l'enfant, l'une des sources trace elle-même son lit sableux 21). La nature semble douée aussi de sentiments : tout d'abord elle paraît être en coïncidence avec l'enfant, qui prend conscience de sa connivence avec le premier souffle venu et l'auteure compare son éveil à celui du jour 15) ; de plus la nature semble ressentir des émotions : c'est ce que connote la comparaison du mouvement et du bruit de la première source à une sorte de sanglot Puis elle se décourageait aussitôt née. [...]
[...] Ce texte témoigne d'une adoration de la nature : En effet, la Nature apparaît ds toute sa richesse, son immensité et ses secrets. richesse et immensité de la nature : pluriel, énumération, variété des éléments naturels (dimension terrestre, aquatique, végétale, de l'infiniment petit comme les fraises à l'infiniment grand comme les bois) Surtout suggérée à travers les verbes de mouvement dessinant le parcours de la narratrice : je m'en allais ( ) vers des terres maraîchères laisse imaginer un espace vaste et profond puisque la progression s'oriente vers ce qui est dissimulé, les petits fruits ; la reprise de j'allais sans complément de lieu connote aussi l'image d'un espace à parcourir à l'infini. [...]
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