Commentaire composé d'un extrait du "Livre de ma mère" d'Albert Cohen. Etude centrée sur l'humour et l'émotion de l'auteur, sur cette mère tant aimée et tant aimante. Un document idéal dans le cadre des révisions du bac de français, ou pour réaliser une étude sur le texte.
[...] Marcel Pagnol, qui a lui-même si bien parlé de sa mère, notamment dans Le Château de ma mère de sa trilogie provençale, admirait Le Livre de ma mère : un livre unique et qui durera. La plus belle histoire d'amour C'est le livre d'un fils, mais aussi de tous les fils, de tous ceux qui un jour regretteront de s'être montrés ingrats, indifférents ou incompréhensifs, comme en avertit Cohen : »Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra et tous se fâchent, s'impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis. [...]
[...] Dans l'avant dernière phrase : Elle me tendait [ ] on aurait attendu une serviette qu'elle avait amoureusement repassée et non repassée par ma mère ; qui introduit un étrange effet de dédoublement. Ces écarts stylistiques, ces altérations inattendues font penser à la tonalité mineure qui introduit, dans un morceau musical, une atmosphère particulière, triste ou nostalgique. La dernière phrase ; Elle est morte dans sa sécheresse, avec le retour brutal au présent, libère toute l'émotion jusqu'alors retenue. C'est un constat terrible, par tout l'implicite que la phrase contient, la certitude qu'il ne reste qu'un malheur irréversible et quelques pauvres souvenirs. [...]
[...] On a l'impression que le narrateur est complètement détaché de ces personnages (il s'agit pourtant de sa mère et de lui-même) dont il parle à la troisième personne, comme s'il ne pouvait plus se reconnaître en eux : Ils s'habillaient très bien [ ] C'est que leur tenue endimanchée les métamorphose totalement : ils sont en représentation, comme des acteurs des chanteurs d'après-midi mondaine soucieux de tenir leur rôle, ici celui d'une respectable famille en promenade, et dans leur naïveté, ils en font un peu trop. Cohen poursuit dans l'autodérision en se décrivant, enfant, comme une espèce d'androgyne avec une visage de fille, angélique éperdu d'admiration au point d'en avoir la chair de poule devant le président de la République. [...]
[...] Personnage central du livre qui lui est dédié (Le Livre de ma mère), la mère est la figure autour de laquelle est construit ce passage. La plupart des phrases commencent par le pronom elle comme si le narrateur voulait faire revenir cette présence. La mère est d'abord valorisée pour l'élégance de son apparence digne de la reine de Saba La précision de la description de sa tenue du dimanche, avec ses longs gants de dentelle noire, son corsage à ruches avec des plissés, des bouillons et des fronces la fait voir avec une netteté quasi photographique, bien qu'elle ne soit ici qu'une silhouette gracieuse, car les traits de son visage ne sont pas décrits. [...]
[...] Mais cet humour n'empêche pas l'émotion d'affleurer. Cohen sourit mais il s'attendrit aussi et prend pitié de ces deux faibles C'est d'abord leur amour mutuel qu'il souligne par une hyperbole aimant à en remontrer à Dieu presque blasphématoire si elle n'était justement la preuve de la profondeur de cet amour. On le sent ému par la fragilité, la maladresse de ce couple insolite, isolé dans son univers d'amour, décalé par rapport au reste du monde ; il multiplie les expressions qui traduisent cette inadaptation ; ils sont emportés peu dégourdis égarés ressentent de la gêne se comportent timidement Pourtant, dans leur simplicité, ils font preuve d'une vraie sagesse et, paradoxalement, le prix qu'ils accordent à leur simple tour de la Corniche dévalorise et montre la vanité de ces loisirs luxueux, villégiatures mondanités chasse à courre tels que peuvent des décrire les magazines consacrés aux célébrités. [...]
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