Henri Michaux apparaît comme un poète toujours à la recherche de territoires intérieurs mystérieux, que les innovations de sa technique permettent d'approcher, entre autre grâce aux vers libres ; il peut ainsi s'aventurer aux frontières du monde comme à celles de l'écriture, apprivoisant cet "Espace du dedans" qui lui tient tant à coeur. Dans "Clown", poème en vers libres extrait de Peintures de 1939, Michaux nous dévoile un "Je" à la recherche du "moi", de cette simplicité intérieure naturelle oubliée dans la société des hommes (...)
[...] B La violence du raz-de-marée contre le compromis La soudaineté de l'immersion prouve la force de la volonté ; de ce fait, la violence d'un raz-de-marée devient nécessaire pour éviter le compromis. Cette humilité de catastrophe nous amène à le croire (v.10), puisque le sens de catastrophe peut nous évoquer l'humilité de l'état final, le nul désiré et obtenu par ces bouleversements. De même, la risée (v.14), associée à la répétition de la volonté au vers peut rappeler le renforcement subi et momentané du vent balayant tout sur son passage ; là encore, il s'agit d'un terme de marine à rapprocher de l'image du début du texte. [...]
[...] Cet endroit lointain qui ne l'est peut-être pas tant que ça puisqu'au fond de lui, dans lequel il ne sera peut-être même pas perdu puisque ce n'est qu'un retour à une source connue, nécessite le néant autour de soi afin de se retrouver, et le rien personnel, niant identité et forme pour n'être plus qu'essence de soi. Mais cette expul[sion de] la forme peut être aussi vue comme celle de la forme poétique classique au profit du verset, les misérables combinaisons et enchaînements si méprisés étant alors exorcisés par l'absence de rimes, la variété des rythmes, les nombreuses isocolies et les blancs mettant en relief le texte. De ce fait, clown est non seulement le chant de libération de l'homme, mais également celui de la poésie. [...]
[...] D'où la figure du clown, symbolisant l'envers de la médaille : à la grandeur, à l' importance se substitue le manque de prise aux sérieux, à la crainte se substitue le rire. De plus, le clown, dans son origine bouffonne, devient parodie du moi, révèle la dualité de chaque être : il incarne cette autre face de la réalité. Dès lors, l'image traditionnelle du clown s'inverse : dans la risée (v.14) peut certes renvoyer au rire cruel des autres, mais aussi à son propre rire une fois que le Je s'est libéré de ces autres. [...]
[...] ainsi que l'absence de majuscules aux derniers vers, marquant l'effacement de la grandeur au fur et à mesure que l'on revient à la simplicité des phrases. A cela viennent s'ajouter les tâtonnements du poète, incluant ses repentirs dans son texte (ou même pas) (v.13) et les diverses interprétations des phrases minimales telles que Je plongerai (v.15) pouvant aussi bien marquer la soudaineté irrévocable du geste, l'hésitation à se lancer, et le sous-entendu de l'éventuelle perte de soi déjà évoquée au vers 13. [...]
[...] Le renouveau par la dérision ne s'applique-t-il pas aussi à la forme poétique, véritable prolongement et mise à nu de l'être retrouvé ? Car, si la volonté du retour à soi passe par un voyage intérieur et une fondamentale remise en cause, c'est bien pour se retrouver : dès lors, le clown peut renverser les cadres traditionnels, y compris celui du langage. I Le retour à soi, une volonté A Constater la superficialité de l'humanité La volonté de retour à soi commence par le constat de la superficialité de l'humanité. [...]
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