La condition féminine et la question sexuelle font partie des thèmes centraux de la littérature française et ont toujours fait l'objet des préoccupations des mondains depuis la Renaissance et l'apparition d'un mouvement qu'il est possible d'assimiler au premier mouvement féministe, celui des "Précieuses" hérité de l'idée d'amour courtois du Moyen-âge, le "Fin'amor". Les débats autour de la monogamie et du pouvoir de la sexualité sont une particularité de la culture occidentale de tradition chrétienne qui se différencie en cela de la civilisation orientale, de tradition musulmane, qui a organisé le rapport homme femme d'une manière toute autre (...)
[...] Pourtant, cet élément perturbateur permet à la sultane de briser sa solitude et de s'imaginer plusieurs scénarios. Le motif de la femme isolée, vivant dans son imagination et qui, accoudée à sa fenêtre va peu à peu se perdre dans ses rêveries pour finalement se laisser absorber par l'idée de sa mort se retrouvera plus tard chez Flaubert dans son personnage d'Emma Bovary. En effet, le portrait qu'Hugo fait de l'imagination de la sultane est destiné à montrer comment cette dernière souhaite se laisser aspirer par l'idée de sa mort. [...]
[...] Cette réalité totalement fantasmée s'inspire pour beaucoup de la veine orientaliste du 18ème siècle lancée par Galland et sa traduction des Mille et Une nuits et relancer par Montesquieu et ses Lettres persanes, mais Hugo ne se souci guère de la vraisemblance d'une telle description du fait de sa logique d'auteur romantique qui entend exalter le sentiment personnel, le mystère et le fantastique et faire peu de cas de la raison et donc d'une quelconque authenticité. En effet, ce n'est que six ans après l'écriture de Clair de lune, en 1834, qu'un européen aura accès, pour la première fois, à un harem. L'occident pourra découvrir une représentation basée sur une expérience réelle du harem dans le tableau de Delacroix Femmes d'Alger dans leur appartement. [...]
[...] L'allitération en s avec Ce sont des sacs pesants sanglots sondant et Se mouvoir révèle par le son le caractère morbide de la scène. Hugo délaisse les métaphores pour imposer de manière saisissante une réalité brutale et tragique, celle des meurtres des femmes. Les corps comme une forme humaine encore vivants d'où partent des sanglots Se mouvoir sont charriés par la mer. Le bruit qui avait brisé la solitude de la sultane et lui avait permis de s'évader pour un instant se révèle donc n'être rien d'autre que l'écho de sa propre condition ainsi que la réalisation de la mort qu'elle n'a fait qu'imaginer. [...]
[...] La sultane Roxane qui, dans la dernière des lettres persanes, se rebelle contre son maître Usbek, qui plonge le sérail dans un bain de sang, est très semblable à la sultane de Hugo. Roxane finit par se suicider pour échapper à sa condition tandis que le désir de suicide hante les pensées de la sultane de Clair de lune. Les meurtres commis par les eunuques d'Usbek renvoient aux meurtres des femmes jetées vives à la mer chez Hugo. La violence et la mort sont donc des thèmes centraux pour les écrivains qui tentent de comprendre cette spécifité de l'Orient que sont les harems. [...]
[...] Hugo, dans son recueil Les orientales, consacre un poème intitulé Clair de lune à cette spécificité du monde oriental qui fascine et intrigue les Européens depuis l'immense popularité du recueil Les Mille et Une nuits, la question des harems. Hugo, qui n'a jamais voyagé en Orient, écrit ce poème en 1828 alors qu'aucun occidental n'a encore eu l'opportunité de pénétrer dans ce lieu. Il nous faut donc étudier la vision, forcément fantasmée, d'un poète européen comme Hugo qui décrit une sultane essayant d'entrer en contact avec le monde extérieur grâce à la fenêtre de sa chambre. [...]
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