Dans son roman Le chef d'oeuvre inconnu, Balzac rend compte de certaines influences, conceptions et paradigmes caractéristiques de son époque.
[...] L'art cesse d'avoir pour fonction première la fonction mimétique, de reproduction du réel, et cesse d'être lié à des fonctions utilitaires (telles que le portrait). Ce passage de la fonction mimétique à une autonomisation se fait parallèlement au passage du paradigme professionnel au paradigme vocationnel, ainsi qu'un passage de l'artisanat corporatiste à l'indépendance de l'artiste. L'histoire racontée dans Le chef d'œuvre inconnu est antérieure à l'époque d'écriture. En effet, Poussin est un jeune peintre en apprentissage vers 1612, et Balzac écrit ce roman entre 1841 et 1845. [...]
[...] L'œuvre de Rousseau montre qu'il y a une sorte de projection dans l'œuvre du génie artistique lui-même. L'œuvre dépend entièrement du génie artistique, à tel point que celui-ci peut aller jusqu'à lui donner la vie. Nous observons ici que l'image de Prométhée, qui hante le 19e siècle, tend à se confondre avec celle de Pygmalion. Frenhoffer peut-il vraiment être comparé en tous points à Prométhée ? Certes, on le présente comme étant un peintre qui voit plus haut que les autres (p. [...]
[...] Ainsi, Balzac fait de Poussin le réprésentant de l'arrivisme bourgeois, prêt à sacrifier sa vie pour l'art, modèle du peintre académique. Par opposition à ce jeune artiste, Frenhoffer apparaît comme celui qui échoue en voulant subordonner l'art à la vie. Il exprime parfaitement cet esprit bohème typique du romantisme, ce que le texte valorise. L'apparition de ce paradigme vocationnel, selon Heinrich, est typique de la période post-révolutionnaire. En effet, d'une part, c'est à cette époque qu'apparaît la méritocratie qui veut que l'on parvienne par son mérite personnel et non par sa filiation. [...]
[...] L'artiste que Balzac représente ainsi n'est plus l'artisan des corporations, mais il correspond plutôt à l'image romantique stéréotypique de la Bohème. Ce stéréotype vient des Scènes de la vie de Bohème, de Murger, qui représente les artistes comme des marginaux, des hommes fauchés qui sont vraiment les appelés de l'art. Dans ce stéréotype auquel Balzac participe, il est clair que la carrière artistique n'est plus un métier, mais bien une vocation. Cette vocation suppose une revendication de liberté par rapport au monde conformiste et confortable de la bourgeoisie. [...]
[...] Ainsi, Diderot parle du peintre Falconet comme une émule des dieux qui a su donner vie à sa statue. C'est donc le génie de l'artiste qui crée la vie, selon l'homme du 19e siècle. Nous nous rapprochons ici de l'interprétation que Jean-Jacques Rousseau a faite du mythe de Pygmalion. Le mythe antique voulait que la statue forgée par le roi légendaire Pygmalion fût animée par la déesse de l'amour, sur la demande du roi. La déesse accéda à sa requête car le roi était pieux. [...]
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